ues dizaines de minutes, on en vint a sceller une de ces
solides confraternites qui resistent a tous les assauts de la vie....
Tant et si bien que le feu s'eteignit et que la marmite cessa de
"chanter"!
Thomas, qui s'en apercut le premier, s'ecria avec une douleur comique:
--Bon, la mere! pendant que vous jabotez tous a la fois comme des pies,
voila votre diner qui _prend au fond_.... Il ne sera plus mangeable, et
vous verrez qu'il faudra que ce soit ce goinfre de Thomas qui vous en
debarrasse.
La veuve de Pierre Noel se leva vivement et alla soulever le couvercle.
--Rassure-toi, mon pauvre Thomas, dit-elle apres un rapide examen, il
n'est qu'a point; mais si le feu eut continue de flamber....
--Oui, si le feu eut continue de flamber....?
--Eh bien, tout serait a recommencer.
--La! je vous le disais bien!.... Voyez-vous mes amis, dans ce
bas-monde, il faut toujours avoir un oeil ouvert sur le pot-au-feu et
l'autre.... ailleurs.
--C'est entendu, camarade, repliqua Gaspard en se levant. Mais, assez
cause. Si vous voulez m'en croire, pendant que ces dames prendront leur
diner, nous autres, allons un peu voir s'il y a encore des arbres bons a
abattre dans la foret.
En un clin-d'oeil nos quatre gaillards se munirent de haches et se
mirent en frais d'attaquer toute epinette ou sapin des alentours qui
payait de mine.
Comme le bois etait abondant, bien que de mediocre futaie la quantite
abattue dans le cours de l'apres-midi fut declaree suffisante pour la
maison projetee.
On remit au lendemain l'equarrissage.
Les bucherons improvises, trempes de sueur et la chemise bouffante
autour des reins, regagnerent la tente, ou un repas substantiel les
attendait.
Inutile de dire que les convives y firent honneur,--Thomas surtout, qui
mastiqua et engloutit une demi-heure durant, sans souffler mot.
Les autres, moins voraces quoique passablement affames aussi, deviserent
gaiement tout en ne perdant pas un coup de fourchette.
Les femmes, naturellement, n'etaient pas les dernieres a fournir leur
quote-part dans ces conversations a batons rompus.
En effet, Suzanne, car la jeune fille s'appelait ainsi,--semblait avoir
vaincu sa timidite habituelle pour faire fete aux hotes genereux qui
mangeaient a la table maternelle. Avec un tact parfait, inne, intuitif
chez la femme, elle partageait egalement ses attentions entre les deux
cousins; mais un observateur attentif aurait probablement decouvert que
celles port
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