arou, une scene analogue sa passait.
Le pere, distrait et songeur, fumait sa pipe pres d'une croisee ouverte.
La mere et la fille, toujours occupees, tricotaient et cousaient autour
d'une grande table de bois blanc, dressee au milieu de la piece servant
a toutes fins: cuisine, salle a manger et salon de reception.
En face d'elles, Arthur, la main droite enveloppee et le coude appuye
sur la table, avait fort a faire pour repondre aux questions multiples
des deux femmes.
Quant a Gaspard, dissimule dans l'ombre projetee par l'abat-jour de la
lampe, il fumait, silencieusement, repondant seulement par monosyllabes
quand on lui adressait la parole.
Inutile de se demander de quoi l'on parlait et qui tenait le de de la
conversation!
C'etaient les femmes, naturellement, mais surtout la plus interessee des
deux: Euphemie, ou plutot Mimie,--car on ne l'appelait pas autrement
dans la famille.
Cette jeune fille, quand on ne lui voyait que la tete, etait vraiment
delicieuse.... Elle avait le teint clair des femmes normandes et la
chevelure crepee d'une bohemienne. Avec cela,--autre contraste,--de
beaux grands yeux d'un bleu tres tendre et la bouche meublee de dents
fort blanches, quoique un peu espacees.
Mais l'ensemble de la figure respirait plutot l'energie que la grace.
La grace; lumiere ou vernis, qui est a la figure humaine ce qu'une bonne
exposition est au tableau,--voila ce qui reellement lui manquait.
Enfin,--pour achever de brosser cette esquisse en deux tours de
main,--bien qu'elle fut, en realite, une jolie fille, Euphemie Labarou
manquait completement de seduction feminine, d'attirance, comme disent
les bonnes gens.
D'ailleurs, la suite de ce recit vous montrera qu'elle etait fort
tyrannique en amour.
Le cousin Gaspard, sur qui elle avait jete son devolu, en savait quelque
chose, probablement plus qu'il n'en eut voulu dire.
Mais, outre ce defaut moral,--si toutefois c'en est bien un,--Euphemie
Labarou avait une imperfection physique tres apparente, du moins quand
elle se tenait debout: elle n'avait pas de jambes.... ou si peu!
Ce buste parfait, de longueur normale jusqu'aux hanches, etait supporte
par des jambes si courtes, qu'en depit de ses robes longues, la pauvre
"Mimie", lorsqu'elle marchait, avait l'allure disgracieuse et pesante
d'une oie grasse.
Aussi ne sortait-elle guere et, comme toutes les personnes sedentaires,
aimait-elle fort a caqueter!
D'ou il suit qu'elle etait a la fo
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