l ait raison. Il
me semble qu'elle le sera, ne fut-ce que par les acteurs de Paris. Je
les ai toujours vus genereux et spontanes dans ces sortes de choses,
et il s'agit peut-etre d'un millier de francs a rassembler! Qu'en
dites-vous? Emile me donne, sur la position d'argent de cette pauvre
sainte femme, des details moins rassurants que les votres. Elle n'a
peut-etre pas voulu tout vous dire. Je crois que la representation a son
benefice ne serait pas a perdre de vue. Il ne s'agit pas de lui faire
des rentes... Pauvre femme! elle ne peut pas vivre, mais d'empecher que
la misere n'ajoute a l'horreur de son sort. Elle est pleine de foi et de
soumission. Oui, vraiment on en a canonise qui ne la valaient pas!
Et votre pauvre Eugene malade la-bas? Vous avez du bien souffrir, chere
femme; mais vous etes rassuree. Merci d'avance a lui pour le tabac qu'il
envoie et merci a votre amie, pour les belles pantoufles _tout en or_
que j'ai recues il y a deux jours.
Maurice a fini son travail de benedictin sur la comedie italienne. Il
va bientot vous porter mes tendresses et vous dire que nous vous aimons
tendrement.
GEORGE SAND.
CDXLVI
A M. OCTAVE FEUILLET, A PARIS
Nohant, 18 fevrier 1859.
Il y a bien longtemps, monsieur, que je veux vous dire que j'aime votre
talent d'une affection toute particuliere. Vous sachant fier et modeste,
je craignais de vous _effaroucher_. A present que de grands succes
doivent vous avoir appris enfin tout ce que vous etes, il me semble
que vous comprendrez mieux le besoin que j'eprouve de vous envoyer mes
applaudissements. Vivant loin de Paris, je n'ai pas pu voir _le Roman
d'un jeune homme pauvre_; mais j'ai fait venir la piece et je l'ai lue a
un ancien ami a vous, qui est le mien depuis dix ans. Apres cela, nous
avons parle toute la journee de la piece et de vous et j'ai voulu lire
aussi plusieurs proverbes ravissants qui m'avaient echappe. Nous avons
donc passe, avec vous, deux ou trois bonnes journees. On lit si bien a
la campagne, l'hiver, dans la vieille maison pleine de souvenirs, au
milieu de toutes ces choses et le coeur plein de tous ces sentiments que
vous peignez avec tant de charme et de tendre delicatesse! Apres cela,
il est bien naturel qu'on veuille vous le dire et vous remercier de ces
heures exquises que l'on vous doit. Il y aurait de l'ingratitude a ne
pas le faire, n'est-ce pas? Et puis je suis de l'age des grand'meres et
mon compli
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