ien cultivee,
une sorte de jardin habite. Derriere nous, le fort Napoleon sur une
colline boisee plus elevee que la notre et qui nous fait un premier
paravent contre le nord. Au bas de ce fort, la grande rade de Toulon et
d'autres immenses montagnes derriere, second paravent, que depasse en
troisieme ligne la chaine des Alpines du Dauphine.
Tout cela est d'un pittoresque, d'un dechire, d'un doux, d'un brusque,
d'un suave, d'un vaste et d'un contraste que ton imagination peut se
representer avec ses plus heureuses couleurs. On dit que c'est plus beau
que le fameux Bosphore, et je le crois de confiance; car je n'avais rien
reve de pareil, et notre pauvre France, que l'on quitte toujours pour
chercher mieux, est peut-etre ce qu'il y a de mieux.
Nous sommes au milieu des amandiers en fleurs, la bourrache est dans son
plus beau bleu, le thlaspi des champs blanchit toutes les haies. Ce sont
a peu pres les seules plantes de nos climats que j'aie encore apercues;
le reste est africain ou meridional extreme: cistes, lieges, yeuses,
arbousiers, lentisques, cytises epineux, tamarins, oliviers; pins
d'Alep, myrtes, bois de lauriers, romarins, lavandes, etc., etc. Il ne
faut pourtant pas oublier la vigne et le ble parmi nos compatriotes; on
boit ici, a bon marche, du vin excellent. Le pain est bon; il y a peu de
poisson, mais le mouton et le boeuf sont passables. C'est le fond de
la nourriture avec les coquillages, tres varies, mais generalement
detestables pour ceux qui n'aiment pas le gout de varech.
La maison que nous habitons est petite mais tres propre, et nous y
sommes seuls dans un desert apparent. Personne n'y vient et personne n'y
passe; mais, tout pres de nous, il y a un petit port de mer appele
_la Seyne_, qui est grand comme la Chatre et ou notre factotum va
s'approvisionner tous les matins. De plus, il va a Toulon tous les jours
par un petit vapeur, moyennant trois sous.
En outre du factotum male, nous avons une cuisiniere naine, qui est une
excellente fille, et un ane nain, baudet d'Afrique appele _Bou-Maza,_
qui ne mange jamais que des fagots d'olivier sec et qui est devenu fou
aujourd'hui pour avoir avale une poignee de foin.
La maison coute cinq cents francs pour trois mois, la cuisiniere
vingt-cinq francs par mois, le baudet rien. Il est au proprietaire, un
charmant avoue qui met tout par ecuelles pour nous recevoir. Nous avons
chacun une petite chambre et, en commun, un salon, une salle a manger,
un cabi
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