te fete a Tamaris. Il vous avait deja
ecrit, ce matin; il est parti pour Lestac.
Maurice l'a accompagne un bon bout de chemin en wagon et l'a quitte pour
aller voir une ruine romaine perdue dans les sables du rivage. Il est
revenu ce soir a onze heures par des chemins bien noirs. Mais Lucien est
sur une des plus belles routes du monde et il nous a fait esperer qu'il
reviendrait passer encore deux jours avec nous; apres quoi, il gagnera
Nimes avec notre Boucoiran, qui l'aime deja de tout son coeur et qui lui
montrera _ex professo_ tout ce qui pourra l'interesser dans ce pays.
Il va bien, votre cher enfant; il a couru comme un Basque avec ces
messieurs, bravant la tempete au bord de la mer, afin de voir deferler
les grandes lames. Il a fait, bon gre mal gre, de la botanique et de
l'entomologie. Il a appris une _patience_ qui est aussi difficile qu'un
probleme de mathematiques. Il a mange beaucoup de petits gateaux et ne
s'est point passionne pour les coquillages de nos reves qui ne valent
pas le diable. Il est toujours aussi charmant et aussi sympathique, et
son arrivee a ete une veritable joie pour nous tous.
Ma sante se remet. Le mistral a fait place a un temps plus doux; encore
quelques jours, et nous aurons, a ce qu'on nous assure, un temps
delicieux. Je crois que Maurice compte accompagner Lucien et Boucoiran
a Nimes. Vous voyez qu'on n'est pas presse de se quitter les uns les
autres et qu'on se reconduit pour etre plus longtemps ensemble.
Ce Boucoiran est l'ancien precepteur de Maurice; c'est un coeur d'or et
un homme du plus grand merite, sachant enormement de choses; Lucien est
deja avec lui comme avec un papa.
Combien nous sommes heureux de ce qui concerne le vrai papa! nous nous
en tourmentions; nous en parlions a toute heure; mais je disais, moi:
"Si le prince s'en charge, ca reussira, car je ne connais pas de
meilleur ami." J'espere que je le verrai lorsqu'il viendra a Toulon, ou
on travaille a son yacht Si vous savez quelques jours d'avance l'epoque
de son depart, vous serez bien aimable de me l'ecrire pour que je ne
sois pas en tournee aux environs dans ce moment-la.
Bonsoir, chere cousine; dormez sur les deux oreilles. Si votre cher
enfant nous revient, nous _le choierons_ comme de coutume.
Je vous embrasse de coeur.
G. SAND.
[1] Lucien Villot, fils de madame Villot.
CDLXXIV
A LA MEME
Tamaris, 19 avril 1861.
Chere cousine,
Votre cher e
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