les heritiers en ont la propriete vingt ou trente ans encore apres
eux. Mais tous mes ouvrages sont vendus aussitot que faits, pour un
temps donne; car on ne gagne pas ses frais a editer soi-meme. La Societe
des gens de lettres, dont je fais toujours partie, n'a le droit de
traiter que pour de tres courts ecrits. Au dela de cent mille lettres,
elle est liee et meme je crois que ce chiffre a ete reduit.
Vous voyez que ni elle ni moi ne pouvons vous autoriser. Je vais ecrire
aux editeurs dont les ouvrages que vous desirez reproduire sont
la propriete temporaire, afin de savoir s'ils autoriseraient la
reproduction. Je doute qu'ils soient, gentils a ce point. Mais
peut-etre, s'ils demandaient un prix minime pour vous accorder ce droit,
verriez-vous de l'avantage a en passer par la. Il est evident que, si
ces reproductions donnent une valeur au journal, c'est parce qu'elles ne
sont pas autorisees par leur _non-valeur_ commerciale.
Maurice vous embrasse de tout son coeur et vous aime toujours. Il compte
bien vous envoyer son livre de _Masques et Bouffons_ aussitot qu'il
pourra en avoir quelques exemplaires. C'est un ouvrage cher, a cause
des images, et son editeur, presse de vendre, le sert le dernier.
Je n'espere pas que vous reussissiez a le marier (Maurice, pas
son editeur), si vous lui cherchez femme parmi les devots et les
legitimistes. Je prefererais de beaucoup une famille protestante. Voyez
pourtant ce qu'on vous dira et faites-m'en part. Je desire bien qu'il
se decide et qu'il devienne pere de famille. Si vous lui trouviez une
charmante personne, ayant des gouts serieux, une figure agreable, de
l'intelligence, une famille honnete, qui ne pretendrait pas enchainer
le jeune couple a ses idees et a ses habitudes autrement que par
l'affection, nous rabattrions bien des pretentions d'argent.
Bonsoir, mon vieux enfant. Je vous ecrirai des que j'aurai une reponse
des editeurs.
A vous de coeur.
GEORGE SAND.
Quand vous verra-t-on?
CDLXI
A MADAME PAULINE VILLOT, A PARIS
Nohant, novembre 1860.
Chere cousine,
Je vous revois, dans mon souvenir, a travers un nuage; mais je n'ai pas
oublie que je vous ai vue un instant. Je n'avais pourtant pas ma
tete; car ce n'est que le lendemain ou le surlendemain que je me suis
retrouvee a Nohant. Jusque-la, j'etais dans une ruine, je ne sais ou.
Vous m'avez certainement porte bonheur, et votre presence, vos souhaits,
votre coeur
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