e que vous grandissiez en maturite dans la science de la vie. Il
est routinier et les rapides progres l'etourdissent. Il y resiste et les
combat tant qu'il peut. Pour peu qu'on le craigne, qu'on le menage, il
croit etre fort; mais, au fond, il est bon enfant et il vous reviendra,
aussi assidu et aussi passionne qu'auparavant si vous ne pliez pas.
Guerissez-vous, distrayez-vous surtout, oubliez un peu ces luttes
penibles et, si vous laissez dire que vous etes malade et decourage, que
ce soit pour jeter votre bequille un beau matin et lui montrer que vous
etes plus fort que jamais.
Voila, cher fils, ce que, depuis quelques jours, je voulais vous dire;
mais je n'etais pas encore assez forte pour ecrire plus d'une ou deux
pages. Venez me voir quand il fera moins mauvais et quand vous ne serez
plus si tenu par le traitement. Je compte aller dans le Midi en fevrier.
Vous devriez en faire autant. Voyons, voyons, il faut retrouver cette
grande energie physique et intellectuelle qui vous a inspire de si
belles choses.
Songez que vous avez ete l'enfant gate de la destinee et que vous l'etes
encore; car vos moindres succes seraient des succes de premier ordre
pour les autres.
Si vous vous sentez bas et affaibli, dites-vous que c'est peut-etre
un bien; car, dans les bonnes organisations, ce sont des crises qui
presagent un _renouveau_ superbe. Patientez, trainez-vous en souriant,
et repetez-vous sans cesse: _Ca passera!_
Quand vous en serez bien convaincu, ce sera deja aux trois quarts passe.
Je vous embrasse tendrement.
G. SAND.
CDLXIV
M CHARLES PONCY, A TOULON
Nohant, 20 decembre 1860.
Cher enfant,
Je vous remercie de vos bons renseignements. Pour le moment, je n'ai
aucun parti a prendre; le temps est trop froid pour que je parte.
D'ailleurs, ce n'est qu'au mois de fevrier que mes travaux me le
permettront.
Et puis vous avez le deluge en ce moment dans le Midi, et nous sommes
encore mieux dans noire nid bien chaud que sur les chemins. Je crois
pourtant que des circonstances particulieres, en dehors des convenances
de localite, nous pousseront vers Monaco ou Menton. Mais rien n'est
decide et nous vous verrons au moins quelques jours a Toulon.
Ce qui est decide, grace a votre reponse sur les depenses moderees a
faire dans ces regions, c'est que nous pourrons y aller, que nous irons
et que nous nous verrons enfin.
Je me porte bien, tout a fait bien, a la conditi
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