qu'elle ne desire rien,
qu'elle n'a besoin de rien. Je la crois sans peine! On fait tout pour
elle! On la sert comme une princesse... Paresseuse! Sotte! Et quant a ce
drole de Charles, je le fouetterai solidement, puisqu'il ne se defend
plus."
Elle ne s'apercut pas qu'elle avait parle haut a partir de: "Je n'aime
pas cette petite", etc.; elle releva la tete et vit Charles, toujours
immobile, qui la regardait avec surprise et indignation; elle s'ecria:
"Eh bien! que fais-tu la a te tourner les pouces et a me regarder avec
tes grands betes d'yeux effares, comme si tu voulais me devorer? Va-t'en
a la cuisine pour aider Betty; dis-lui de servir le souper le plus tot
possible; j'ai faim."
Charles ne se le fit pas dire deux fois et s'esquiva lestement; il
raconta a Betty ce que venait de dire sa cousine sans se douter qu'elle
eut parle tout haut.
"Il faut avertir Juliette et te revolter ouvertement, dit Betty.
Charles:--Non, j'ai promis a Juliette d'etre poli et docile pendant une
semaine; je ne manquerai pas a ma promesse; ce qui ne m'empechera pas
de la faire enrager... innocemment, sans cesser d'etre respectueux a
l'apparence... quand j'aurai mes visieres.
Betty:--Tu les auras demain, mon pauvre Charlot; compte sur moi; je te
preserverai tant que je pourrai.
Charles:--Je le sais, ma bonne Betty, et c'est parce que tu m'as
toujours protege, console, temoigne de l'amitie, que je t'aime de tout
mon coeur comme j'aime Juliette; elle aussi m'a toujours aime, encourage
et conseille... Seulement, je n'ai pas souvent suivi ses conseils, je
l'avoue.
Betty:--Avec ca qu'ils sont faciles a suivre! Il faut toujours ceder,
toujours s'humilier, a l'entendre!
Charles:--Il me semble, moi, qu'elle a raison au fond; mais je n'ai
pas sa douceur ni sa patience; quand ma cousine m'agace, m'irrite,
m'humilie, je m'emporte, je sens comme si tout bouillait au dedans de
moi, et si je ne me retenais, je crois en verite que, dans ces moments
la, j'aurais une force plus grande que la sienne, que ce serait elle qui
recevrait la rossee et moi qui l'administrerais.
Betty:--Mais il faut dire a Juliette ce que sa cousine pense d'elle.
Charles:--A quoi bon? Ce que j'ai entendu ferait de la peine a la pauvre
Juliette et ne servirait a rien; elle sait que ma cousine ne l'aime pas,
ca suffit."
Le souper ne tarda pas a etre servi tout en causant; Mme Mac'Miche fut
avertie, descendit dans la salle et mangea copieusement, apres avoir
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