ragan.
"Juliette, Marianne, donnez-moi quelques sous, de quoi acheter une
feuille de papier noir.
Marianne:--Que veux-tu faire de papier noir, Charles?
Charles:--C'est pour faire deux tetes de diable pour faire peur a ma
cousine.
Juliette:--Charles, Charles, te voila encore avec tes projets mechants!
Pourquoi lui faire peur? C'est mal.
Charles, affectueusement:--Ne me gronde pas avant de savoir ce que je
veux faire, Juliette. Ma cousine a decouvert, en me saisissant pour me
battre...
--Encore! s'ecria douloureusement Juliette.
Charles:--Encore et toujours, ma bonne Juliette; elle a donc decouvert
que le fond de ma culotte, etait double; elle croit que c'est du carton.
Et deja elle m'a menace de m'enlever ma culotte la premiere fois qu'elle
me battrait. Alors j'ai imagine avec Betty de decouper deux tetes de
diables avec des langues rouges que Betty me collera sur la peau pour
remplacer les visieres; et quand ma cousine m'enlevera ma culotte et
qu'elle verra ces diables, elle aura une peur epouvantable et elle
n'osera plus me toucher. Tu vois que ce n'est pas bien mechant."
Marianne et Juliette se mirent a rire de l'invention du pauvre Charles.
Marianne fouilla dans sa poche, en retira quatre sous et les donna a
Charles en disant:
"C'est le cas de legitime defense, mon pauvre Charlot. Tiens. voici
quatre sous; s'il t'en faut encore, tu me le diras."
Charles remercia Marianne et disparut aussi vite qu'il etait entre.
Marianne:--Ce pauvre Charles! il me fait pitie, en verite! Je ne
comprends pas qu'il supporte avec tant de courage sa triste position.
Juliette:--Pauvre garcon! Oui, il a reellement du courage. Je le gronde
souvent, mais bien souvent aussi j'admire sa gaiete et sa bonne volonte
a bien faire.
Marianne:--Il faut dire que tout ca ne dure pas longtemps; en cinq
minutes il passe d'un extreme a l'autre: bon a attendrir, ou mauvais
comme un diable.
Juliette, riant:--Oui, mais toujours bon diable."
Charles acheta pour deux sous de papier noir, un sou de papier rouge et
un sou de colle; il rentra a la cuisine par la porte du jardin, avec
precaution, regardant autour de lui s'il apercevait l'ombre de la tete
de Mme Mac'Miche, ecoutant s'il entendait son souffle bruyant. Tout
etait tranquille; Betty etait seule et travaillait pres de la fenetre.
Betty, ma cousine est-elle chez elle? dit Charles a voix basse.
Betty:--Oui; elle a fait assez de tapage, je t'en reponds; la voila
tranqu
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