mettre ca... Mais contre elle, j'etais d'une colere! oh!
d'une colere! Dans ma chambre, je me suis roule, j'ai sanglote, crie; et
puis j'ai ete mieux, je me suis senti content de t'avoir obei.
Juliette, attendrie:--Bon Charles! Comme tu serais bon si tu voulais!
Charles:--Ca viendra, ca viendra! Donne-moi le temps. Il faut que tu me
permettes de corriger ma cousine.
Juliette:--Comment la corrigeras-tu? Cela me semble impossible!
Charles:--Non, non; laisse-moi faire; tu verras!
Juliette:--Que veux-tu faire, Charles? Quelque sottise, bien sur!
Charles:--Du tout, du tout; tu verras, je te dis; tu verras!"
Charles ne voulut pas expliquer a Juliette quels seraient les moyens de
correction qu'il emploierait; il lui promit seulement de continuer
a etre docile et poli; il fallut que Juliette se contentat de cette
promesse. Charles resta encore quelques instants; il sortit au moment ou
Marianne. soeur de Juliette, rentrait de son travail.
Marianne avait vingt-cinq ans; elle remplacait, pres de sa soeur
aveugle, les parents qu'elles avaient perdus. Leur mere etait morte
depuis cinq ans dans la maison qu'elles habitaient; leur fortune eut
ete plus que suffisante pour faire mener aux deux soeurs une existence
agreable, mais leurs parents avaient laisse des dettes; il fallait des
annees de travail et de privations pour les acquitter sans rien vendre
de leur propriete. Juliette n'avait que dix ans a l'epoque de la mort
de leur mere; Marianne prit la courageuse resolution de gagner, par son
travail, sa vie et celle de sa soeur aveugle, jusqu'au jour ou toutes
leurs dettes seraient payees. Elle travaillait soit en journees, soit a
la maison. Juliette, tout aveugle qu'elle etait, contribuait un peu
au bien-etre de son petit menage; elle tricotait vite et bien et ne
manquait pas de commandes; chacun voulait avoir soit un jupon, soit une
camisole, soit un chale ou des bas tricotes par la jeune aveugle. Tout
le monde l'aimait dans ce petit bourg catholique; sa bonte, sa douceur,
sa resignation, son humeur toujours egale, et par-dessus tout sa grande
piete, lui donnaient une heureuse influence, non seulement sur les
enfants, mais encore sur les parents. Mme Mac'Miche etait la seule qui
n'eut pas subi cette influence: elle ne voyait presque jamais Juliette,
et n'y venait que pour lui dire des choses insolentes, ou tout au moins
desagreables. Mme Mac'Miche aurait pu facilement venir en aide a ses
cousines, mais elle n'en avait
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