'hui depuis la
premiere fois que je t'ai quittee; a ma seconde visite, je ne t'ai rien
dit parce que j'avais peur que tu ne me fisses rentrer chez moi tout de
suite; a present j'ai le temps, puisque ma cousine dort, et tu vas tout
savoir."
Charles raconta fidelement ce qui s'etait passe entre lui, sa cousine et
Betty.
"Comment veux-tu que je supporte ces reproches et ces injustices avec la
patience d'un agneau qu'on egorge?
Je ne t'en demande pas tant, dit Juliette en souriant; il y a trop loin
de toi a l'agneau; mais, Charles, ecoute-moi. Ta cousine n'est pas
bonne, je le sais et je l'avoue; mais c'est une raison de plus pour la
menager et chercher a ne pas l'irriter. Pourquoi es-tu inexact, quand tu
sais que cinq minutes de retard la mettent en colere?
Charles:--Mais c'est pour rester quelques minutes de plus avec toi,
pauvre Juliette; il n'y avait personne chez toi quand je t'ai ramenee.
Juliette:--Je te remercie, mon bon Charles; je sais que tu m'aimes, que
tu es bon et soigneux pour moi; mais pourquoi ne l'es-tu pas un peu pour
ta cousine?
Charles:--Pourquoi? Parce que je t'aime et que je la deteste; parce que,
chaque fois qu'elle se fache et me punit injustement, je veux me venger
et la faire enrager.
--Charles, Charles! dit Juliette d'un ton de reproche.
Charles:--Oui, oui, c'est comme ca; elle a recu des coups dans la
poitrine, au visage; j'ai fait cacher par Betty (qui la deteste aussi)
ses vilaines dents dans sa soupe; je lui ai arrache et dechire sa
perruque; et quand elle va s'eveiller, elle va trouver sa tabatiere
pleine de cafe, son livre et son ouvrage disparus; elle sera furieuse,
et je serai enchante, et je serai venge!
Juliette:--Vois comme tu t'emportes! Tu tapes du pied, tu tapes les
meubles, tu cries, tu es en colere, enfin; tu fais juste comme ta
cousine, et tu dois avoir l'air mechant comme elle.
--Comme ma cousine! dit Charles en se calmant; je ne veux rien faire
comme elle, ni lui ressembler en rien.
Juliette:--Alors sois bon et doux.
Charles:--Je ne peux pas; je te dis que je ne peux pas.
Juliette:--Oui, je vois que tu n'as pas de courage.
Charles:--Pas de courage! Mais j'en ai plus que personne, pour avoir
supporte ma cousine depuis trois ans!
Juliette:--Tu la supportes en la faisant enrager sans cesse; et tu es de
plus en plus malheureux, ce qui me fait de la peine, beaucoup de peine.
Charles:--Oh! Juliette, pardonne-moi! Je suis desole, mais je ne peux
pa
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