lle appela Charles pour lui faire encore la lecture pendant une ou deux
heures. Force d'obeir, il la suivit dans sa chambre, s'assit tristement
et commenca a lire. Au bout de dix minutes il entendit ronfler: il leva
les yeux. Bonheur! la cousine dormait! Charles n'avait garde de laisser
echapper une si belle occasion; il posa son livre, se leva doucement,
vida le reste du cafe dans la tabatiere de sa cousine, cacha son livre
dans la boite a the, son ouvrage dans le foyer de la cheminee, et
s'esquiva lestement sans l'avoir eveillee. Il alla rejoindre Betty, qui
lui donna un supplement de diner.
Betty:--Ne va pas faire comme tantot et disparaitre quand ta cousine te
demandera. Elle se doute de quelque chose, va; nous ne reussirons pas
une autre fois. Cette clef que j'avais si adroitement posee sur son
ouvrage! Ton visage enfarine, tes convulsions, les miennes; tout ca
n'est pas clair pour elle.
Charles:--Je me suis pourtant trouve bien a propos pour rentrer a temps
dans ma prison!
Charles:--C'est egal, c'est trop fort! Elle croit bien aux fees, mais
pas a ce point. Sois prudent, crois-moi."
Charles sortit, mais au lieu de rentrer chez sa cousine, il ouvrit comme
le matin la porte du jardin et courut chez Juliette. Voila trois fois
qu'il y va; nous allons le suivre et savoir ce que c'est que Juliette.
II
L'AVEUGLE
"Comment, te voila encore, Charles? dit Juliette en entendant ouvrir la
porte.
Charles:--Comment as-tu devine que c'etait moi?
Juliette:--Par la maniere dont tu as ouvert; chacun ouvre differemment,
c'est bien facile a reconnaitre.
Charles:--Pour toi, qui es aveugle et qui as l'oreille si fine; moi, je
ne vois aucune difference; il me semble que la porte fait le meme bruit
pour tous.
Juliette:--Qu'as-tu donc, pauvre Charles? Encore quelque demele avec ta
cousine? Je le devine au son de ta voix.
Charles:--Eh! mon Dieu oui! Cette mechante, abominable femme me rend
mechant moi-meme. C'est vrai, Juliette: avec toi, je suis bon et je n'ai
jamais envie de te jouer un tour ou de me facher; avec ma cousine, je me
sens mauvais et toujours pret a m'emporter.
Juliette:--C'est parce qu'elle n'est pas bonne, et que toi, tu n'as ni
patience ni courage.
Charles:--C'est facile a dire, patience; je voudrais bien t'y voir; toi
qui es un ange de douceur et de bonte, tu te mettrais en fureur."
Juliette sourit.
"J'espere que non, dit-elle.
Charles:--Tu crois ca. Ecoute ce qui m'arrive aujourd
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