s
la veille de l'attaque pour manifester a M. de La Fayette le peu de
confiance qu'il avait dans les troupes americaines pour le coup de
main projete, et fit trop paraitre son dedain pour ces milices peu
aguerries. La Fayette, un peu pique, lui dit: "Nous sommes de jeunes
soldats, il est vrai; mais notre tactique, en pareil cas, est de
decharger nos fusils et d'entrer tout droit a la baionnette." Il le
fit comme il le dit. Il donna le commandement des troupes americaines
au colonel Hamilton, prit sous ses ordres les colonels Laurens et de
Gimat. L'ardeur des troupes fut telle qu'elles ne laisserent pas aux
sapeurs le temps de frayer la voie en coupant les abatis. Le bataillon
du colonel Barber, qui etait le premier dans la colonne destinee a
soutenir l'attaque, ayant ete detache au secours de l'avant-garde,
arriva au moment ou l'on commencait a s'emparer des ouvrages. Au
rapport de La Fayette lui-meme, pas un coup de fusil ne fut tire par
les Americains, qui n'employerent que la baionnette. M. de Gimat
fut blesse a ses cotes. Le reste de la colonne, sous les generaux
Muhlenberg et Hazen, s'avancait avec une discipline et une fermete
admirables. Le bataillon du colonel Vose se deployait a la gauche. Le
reste de la division et l'arriere-garde prenaient successivement leurs
positions, sous le feu de l'ennemi, sans lui repondre, dans un ordre
et un silence parfaits[211].
[Note 211. _Mem._ de La Fayette.]
La redoute fut emportee immediatement. Elle n'etait defendue que par
quarante hommes, tandis qu'il y en avait cent cinquante a l'autre
redoute. Comme le feu des Francais durait encore, La Fayette, trouvant
le moment favorable pour donner une lecon de modestie au baron de
Viomenil, envoya aupres de lui le colonel Barber, son aide de camp,
pour lui demander s'il avait besoin d'un secours americain. Cette
demarche etait en realite inutile, car les Francais ne furent de
leur cote que sept minutes a se rendre maitres de la position qu'ils
avaient attaquee. Ils avaient aussi rencontre de plus serieux
obstacles et une resistance plus energique. Mais le colonel Barber fit
preuve en cette circonstance d'un sang-froid qui etonna les officiers
francais. Il fut blesse dans le trajet par le vent d'un boulet ennemi
qui lui fit une contusion au cote. Il ne voulut pourtant pas se
laisser panser avant de s'etre acquitte de sa commission, qui resta
d'ailleurs sans reponse.
Dans le courant de la nuit et du jour suivant, on s'occupa de
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