r port, elle
rencontra l'_Aigle_, autre fregate plus forte, de quarante canons de
vingt-quatre, qui devait se rendre en Amerique de conserve avec la
_Gloire_. Elle etait commandee par M. de La Touche, homme brave et
instruit qui avait le defaut d'etre trop recemment entre dans la
marine et de devoir son rapide avancement a l'appui de nombreux amis
et en particulier du duc d'Orleans. Comme il etait capitaine de
vaisseau, il eut aussitot le pas sur M. de Valongne, qui ne se soumit
pas sans murmurer de se voir ainsi contraint de servir sous un
officier moins ancien que lui. Les passagers de l'_Aigle_ n'etaient
pas de moindre condition que ceux de la _Gloire_: c'etait M. le baron
de Viomenil, qui allait reprendre son commandement avec le titre de
marechal de camp; MM. de Vauban, de Melfort, Bozon de Talleyrand, de
Champcenetz, de Fleury, de Laval, de Chabannes, et d'autres.
M. de La Touche etait sans doute trop peu habitue a la severite des
reglements de la marine pour les accepter dans toute leur rigueur.
Une femme dont il etait violemment epris l'avait suivi de Paris a la
Rochelle, et comme il ne devait pas l'embarquer sur sa fregate, il eut
la singuliere idee de la mettre sur un batiment marchand et de faire
remorquer celui-ci par l'_Aigle_. La marche des fregates en fut
necessairement beaucoup retardee. Leur surete meme fut compromise;
mais heureusement cette maniere de concilier l'amour et le devoir ne
fut fatale qu'a ceux qui l'avaient imaginee.
On mit trois semaines a arriver aux Acores, et comme il y avait des
malades a bord et qu'on manquait d'eau, M. de La Touche prit la
resolution de relacher dans quelque port de ce petit archipel. Le vent
s'opposa a ce que les fregates entrassent dans le port de Fayal. Comme
celui de Terceyre n'etait pas sur, on dut se resigner a les
faire croiser devant l'ile pendant qu'on allait chercher sur des
embarcations les approvisionnements necessaires. Les jeunes et
brillants passagers des deux fregates descendirent a terre et
visiterent pendant les quelques jours qu'ils y resterent tout ce que
ces iles fortunees pouvaient contenir de personnages ou de choses
curieuses. Je ne redirai pas les receptions qui leur furent faites par
le consul de France et par le gouverneur portugais. Je ne parlerai
pas davantage de ce singulier agent, a la fois consul de deux nations
ennemies, l'Angleterre et l'Espagne, familier de l'inquisition et
danseur de _fandango_; et je ne citerai que pour qu'on
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