de le suivre a terre. Il
ordonna en meme temps que les chaloupes fussent employees a porter
a terre les 2,500,000 livres dont les fregates etaient chargees. Le
premier de ces ordres fut execute sans delai, et nous arrivames sur la
cote d'Amerique le 13, environ a six heures du soir, sans valets,
sans chemises, et avec l'equipage du monde le plus leste. Nous nous
arretames d'abord chez un gentleman nomme Mandlau[226], qui nous donna
a manger: apres quoi M. de Viomenil, qui se decida a passer la nuit
dans ce lieu, envoya tous les jeunes gens dans le pays, les uns pour
faire rassembler quelque milice, les autres pour trouver des chariots
et des boeufs ou des bateaux, afin de transporter le lendemain
l'argent que les chaloupes devaient apporter pendant la nuit. Nous
partimes, le comte de Segur, Lameth et moi, pour remplir cet objet,
sous la conduite d'un negre, et nous fimes pendant la nuit environ
douze milles a pied, pour arriver a une espece d'auberge assez mal
pourvue nommee Onthstavern, appartenant a un Americain nomme Pedikies.
Je trouvai le moyen d'y rassembler trois chariots atteles de quatre
boeufs, et le lendemain, a quatre heures du matin, je grimpai sur un
cheval que l'on me donna a l'essai, pour amener mon convoi d'equipage
au general.
[Note 226: Mes recherches pour verifier ce nom sont restees
infructueuses.]
"Je n'etais plus qu'a une lieue du bord de la mer, lorsque je
rencontrai M. de Lauzun qui me dit que l'argent etait arrive a trois
heures du matin et qu'on en avait deja depose sur la plage environ la
moitie, lorsque deux chaloupes armees, qu'on soupconnait pleines de
refugies, avaient paru; qu'elles s'etaient avancees avec resolution
vers le lieu ou nos batiments charges de nos richesses etaient
mouilles: que M. de Viomenil, n'ayant avec lui que trois ou quatre
fusiliers, ne s'etait pas avec raison cru en etat de defense; qu'il
avait fait jeter a la mer environ douze cent mille livres qu'on
n'avait pas encore eu le temps de debarquer, et que ce general, muni
du reste du tresor, l'avait d'abord place sur quelques chevaux,
ensuite sur un chariot, et se sauvait avec vers Douvres; ou lui,
Lauzun, allait le devancer.
"Cette information m'engagea a changer de route; je resolus d'aller
avertir mes compagnons de ce qui se passait; je payai les conducteurs
de chariots, et je commencais a galoper de leur cote, lorsque
j'entendis des cris dans le bois a cote de moi. J'arretai et je vis
des matelots et deux
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