la Daniella? Que dites-vous de la Daniella? N'a-t-elle pas aussi un
petit air de sorciere?
--Je ne m'en suis jamais avise, repondis-je; et, en tout cas, je n'y
tiendrais pas essentiellement pour la trouver jolie.
--Ah! vous convenez que celle-ci vous plait? Je le disais bien, il faut
etre laide pour vous plaire!
--Selon vous, la Daniella est donc laide?
--Affreuse! repondit-elle avec une candeur de souveraine jalouse du
moindre objet supportable sur les terres de son royaume.
--Allons, vous etes trop despote, lui dis-je en riant. Vous voulez qu'a
moins de trouver une beaute superieure a la votre, on ne daigne pas
seulement ouvrir les yeux. Alors, il faut se les crever pour jamais, et
renoncer a la peinture.
--Est-ce un compliment? demanda-t-elle avec une animation
extraordinaire. Un compliment equivaut a une raillerie, par consequent a
une injure.
--Vous avez raison; aussi n'est-ce pas un compliment, mais une verite
banale que j'aurais du ne pas formuler, car vous devez etre lasse de
l'entendre.
--Vous ne m'avez pas gatee sous ce rapport, vous! Dites donc toute votre
pensee! Vous savez que je ne suis pas laide; mais vous n'aimez pas ma
figure.
--Je crois que je l'aimerais autant que je l'admire, si elle etait
toujours naivement belle comme elle l'est dans ce moment-ci.
Presse de questions a cet egard, je fus entraine a lui dire que, selon
moi, elle etait ordinairement trop arrangee, trop encadree, trop
rehaussee, et qu'au lieu de ressembler a elle-meme, c'est-a-dire a une
femme superbe et ravissante, elle se condamnait a un travail perpetuel
pour ressembler a n'importe quelle femme pimpante, a n'importe quel type
de fashion aristocratique, a n'importe quelle poupee servant de montre a
un etalage de chiffons et de bijoux.
--Je crois que vous avez raison, repondit-elle apres un moment de
silence attentif.
Et, arrachant tout a coup sa broche et ses bracelets de Froment Meurice,
veritables objets d'art que precisement je n'etais nullement dispose
a critiquer, elle les lanca a travers le bois avec une gaiete de
Sardanapale.
--Voila un etonnant coup de tete! lui dis-je en quittant son bras sans
galanterie pour aller ramasser ces precieux objets. Vous permettrez
qu'en qualite d'artiste, je vous reproche ce mepris pour de si beaux
ouvrages.
Je retrouvai les bijoux, non sans peine, et, quand je les lui rapportai:
--Gardez-les, me dit-elle avec colere: je n'en veux plus.
--Et pour qui diable
|