tout de suite a M. Valbelle, si j'avais le type.
A l'oreille de Marthe elle ajouta: "Tu vas voir, Dora va dire oui. Elle est adorable."
Dora, apres reflexion, objecta:
-- Maman ne voudra jamais.
-- Oh ! fit Lestrange, il n'y a pas besoin de lui dire... Vous vous ferez accompagner a l'atelier par cette bonne Mlle Sophie.
C'etait la dame de compagnie de Dora, celebre dans un certain monde de feteurs parisiens pour sa docilite et son mutisme. On l'asseyait sur une chaise, dans l'antichambre, elle s'endormait aussitot et ne bougeait que lorsqu'on venait la reveiller.
La petite Calvell meditait. Enfin elle profera cette reponse qui fit tomber ses amies dans des convulsions de fou rire:
-- Eh bien ! je veux bien... Mais promettez-moi qu'on ne verra pas ma figure.
Maxime, qu'Hector avait laisse seul apres s'etre fait presenter a sa soeur Jeanne, regardait, ecoutait; et il se demandait: "Est-ce que je reve ? Suis-je ne dans un monde a part ? est-ce la les moeurs et le langage du monde moderne ? Ces propos de brasserie, qui valent encore mieux, il me semble, que telle causerie a voix basse... Ces gestes de frolement qu'on ne se donne pas la peine de dissimuler... Et ce mot odieux qui resonne sans cesse comme un appel de libertinage: "Mon flirt... Elle a flirte... Nous avons flirte... C'est un flirt de ma fille..." Voila les gens qui entourent Maud... Voila ce qu'elle voit... ce qu'elle entend... Alors ?"
Maud ne lui avait pas encore adresse la parole. A ce moment, elle le regarda, trop proche a son gre des caillettes libertines qui entouraient Lestrange et Valbelle; elle devina son etonnement irrite; elle vint a lui, tout droit:
-- A quoi pensez-vous, monsieur de Chantel ? dit-elle en rivant sur lui son regard.
Et elle recula vers l'angle du salon, forcant le jeune homme a l'y suivre.
-- Je pense, repondit Maxime tres grave, que ma solitude de Vezeris est l'asile qu'on ne devrait jamais quitter, lorsqu'on est, comme moi, un provincial et un paysan.
Malgre lui, il avait mis dans ses paroles toute l'amertume qu'il avait goutee, en se comparant, sous les yeux de la femme qu'il aimait, a ces hommes elegants, brillants, causeurs aises, comme Lestrange, Le Tessier, Suberceaux.
-- Alors, demanda Maud lentement, vous allez retourner a Vezeris ?
-- Oui. J'ai accompagne ma mere a Paris, parce qu'elle ne sait pas voyager seule. Elle va y rester plus ou moins longtemps, suivant les prescriptions du docteur Levert. Moi je ne sers
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