de Guiche songea a parer le coup qu'il
sentait pret a etre porte par l'un ou l'autre et peut-etre par
tous les deux.
-- Messieurs, dit-il, nous devons nous quitter, il faut que je
passe chez Monsieur. Prenons nos rendez-vous: toi, de Wardes,
viens avec moi au Louvre; toi, Raoul, demeure le maitre de la
maison, et comme tu es le conseil de tout ce qui se fait ici, tu
donneras le dernier coup d'oeil a mes preparatifs de depart.
Raoul, en homme qui ne cherche ni ne craint une affaire, fit de la
tete un signe d'assentiment, et s'assit sur un banc au soleil.
-- C'est bien, dit de Guiche, reste la, Raoul, et fais-toi montrer
les deux chevaux que je viens d'acheter; tu me diras ton
sentiment, car je ne les ai achetes qu'a la condition que tu
ratifierais le marche. A propos, pardon! j'oubliais de te demander
des nouvelles de M. le comte de La Fere. Et tout en prononcant ces
derniers mots, il observait de Wardes et essayait de saisir
l'effet que produirait sur lui le nom du pere de Raoul.
-- Merci, repondit le jeune homme. M. le comte se porte bien.
Un eclair de haine passa dans les yeux de de Wardes. De Guiche ne
parut pas remarquer cette lueur funebre, et allant donner une
poignee de main a Raoul:
-- C'est convenu, n'est-ce pas, Bragelonne, dit-il, tu viens nous
rejoindre dans la cour du Palais-Royal?
Puis, faisant signe de le suivre a de Wardes, qui se balancait
tantot sur un pied, tantot sur l'autre.
-- Nous partons, dit-il; venez, monsieur Malicorne.
Ce nom fit tressaillir Raoul.
Il lui sembla qu'il avait deja entendu prononcer ce nom une fois;
mais il ne put se rappeler dans quelle occasion.
Tandis qu'il cherchait, moitie reveur, moitie irrite de sa
conversation avec de Wardes, les trois jeunes gens s'acheminaient
vers le Palais-Royal, ou logeait Monsieur.
Malicorne comprit deux choses.
La premiere, c'est que les jeunes gens avaient quelque chose a se
dire.
La seconde, c'est qu'il ne devait pas marcher sur le meme rang
qu'eux. Il demeura en arriere.
-- Etes-vous fou? dit de Guiche a son compagnon, lorsqu'ils eurent
fait quelques pas hors de l'hotel de Grammont; vous attaquez
M. d'Artagnan, et cela devant Raoul!
-- Eh bien! apres? fit de Wardes.
-- Comment, apres?
-- Sans doute: est-il defendu d'attaquer M. d'Artagnan?
-- Mais vous savez bien que M. d'Artagnan fait le quart de ce tout
si glorieux et si redoutable qu'on appelait les Mousquetaires.
-- Soit; mais je ne vois pas
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