_Au general Marmont._
J'imagine qu'a l'heure qu'il est, citoyen general, vous aurez
approvisionne le fort de Raschid de mortiers avec de bonnes pieces a
cinq cents coups au moins.
J'ai recu votre lettre du 8 germinal, et j'ai appris avec plaisir que
_le Pluvier_ s'etait sauve a Alexandrie: il doit avoir douze cents
quintaux de riz a son bord; vous pouvez vous en servir pour augmenter
vos approvisionnemens.
Recrutez et completez les quatre bataillons qui sont sous vos ordres,
ainsi que la legion nautique. Les recrues que vous nous avez envoyees
d'Alexandrie se sont sauvees a la premiere affaire, ont tenu bon a la
seconde., et se battent aujourd'hui tous les jours a la tranchee avec le
plus grand courage.
Le general Junot s'est couvert de gloire le 19, au combat de Nazareth;
avec trois cents hommes de la deuxieme d'infanterie legere, il a battu
quatre mille hommes de cavalerie; il a pris cinq drapeaux et tue ou
blesse pres de six cents hommes: c'est une des affaires brillantes de la
guerre.
Notre siege avance: nous avons une galerie de mine qui deja depasse la
contrescarpe, chemine sous le fosse a trente pieds sous terre, et n'est
plus qu'a dix-huit pieds du rempart.
Sur le front d'attaque, nous avons deux batteries a soixante toises, et
quatre a cent toises, pour contrebattre les flancs. Depuis quinze jours
nous ne tirons pas un seul boulet: l'ennemi tire comme un enrage; nous
nous contentons de ramasser humblement ses boulets, de les payer vingt
sous et de les entasser au parc, ou il y en a deja pres de quatre mille.
Vous voyez qu'il y a de quoi faire un beau feu pendant vingt-quatre
heures, et faire une bonne breche. J'attends, pour donner le signal, que
le mineur puisse faire sauter la contrescarpe a l'extremite d'une double
sape, qui marche droit a une tour. Nous sommes encore a huit toises de
la contrescarpe: c'est l'histoire de deux nuits. L'ennemi nous a tire
trois ou quatre mille bombes; il y a dans la place beaucoup d'Anglais et
d'emigres francais: vous sentez que nous brulons d'y entrer: il y a a
parier que ce sera le 1er floreal: le siege, a defaut d'artillerie et
vu l'immense quantite de celle de l'ennemi, est une des operations
qui caracterisent le plus la constance et la bravoure de nos troupes:
l'ennemi tire ses bombes avec une grande precision. Jusqu'a cette heure,
ce siege nous coute soixante hommes tues et trente blesses. L'adjoint
Mailly, les adjudans-generaux Lescale et Hacigue sont du no
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