au bonheur domestique; il y risquait, par consequent, son
honneur conjugal et sa vie. Soit! c'etait son droit, et je ne voyais pas
pourquoi je l'aurais plaint ou epargne; mais Obernay m'etait un grave
sujet d'effroi et de tristesse. J'eus beaucoup de peine a paraitre calme
en expliquant son depart. Heureusement, mes compagnes furent aisement
dupes. Alida etait plutot portee a se plaindre des perilleuses
excursions de son mari qu'a s'en tounnenter. Il etait facile de voir
qu'elle etait humiliee d'avoir perdu l'ascendant qui l'avait retenu
plusieurs annees dans son menage. Elle ne paraissait plus en souffrir
pour son propre compte, mais elle en rougissait devant le inonde. Quant
a Paule, elle croyait si religieusement a la confiance et a la sincerite
d'Obernay, qu'elle combattit bravement un premier mouvement d'inquietude
en disant:
--Non, non! Henri ne m'eut pas trompee. Si mon frere etait en danger, il
me l'eut dit. Il n'eut pas doute de mon courage, il n'eut laisse a nul
autre que moi le soin de soutenir celui de ma belle-soeur.
Le temps etait brouille, on ne sortit pas ce jour-la. Paule travailla
dans sa chambre; malgre l'air humide et froid, Alida passa l'apres-midi
assise sur la galerie, disant qu'elle etouffait dans ces pieces ecrasees
par un plancher bas. J'etais a ses cotes, et ne pouvais douter qu'elle
ne se pretat au tete-a-tete; j'eusse ete enivre la veille de tant de
bontes, mais j'etais mortellement triste en songeant a Obernay, et je
faisais de vains efforts pour me sentir heureux. Elle s'en apercut, et,
sans songer a deviner la verite, elle attribua mon abattement a la
passion contenue par la crainte. Elle me pressa de questions imprudentes
et cruelles, et ce que je n'eusse pas ose lui dire dans l'ivresse de
l'esperance, elle me l'arracha dans la fievre de l'angoisse; mais ce
furent des aveux amers et remplis de ces injustes reproches qui
trahissent le desir plus que la tendresse. Pourquoi voulait-elle lire
dans mon coeur trouble, si le sien, qui paraissait calme, n'avait a
m'offrir qu'une pitie sterile?
Elle ne fut pas blessee de mes reproches.
--Ecoutez, me dit-elle, j'ai provoque cet abandon de votre part, vous
allez savoir pourquoi, et, si vous m'en savez mauvais gre, je croirai
que vous n'etes pas digne de ma confiance. Depuis le premier jour ou
nous nous sommes vus, vous avez pris vis-a-vis de moi une attitude
douloureuse, impossible. On m'a souvent reproche d'etre coquette; on
s'est bien tro
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