t l'autre de ces tendances, la conscience qu'eut Flaubert
de leur coexistence, et la solution probable de cet antagonisme.
Voici qui montre son obsequiosite et son impersonnalite devant la
nature:
"Je me suis mal exprime en vous disant qu'il ne fallait pas ecrire avec
son coeur; j'ai voulu dire, ne pas mettre sa personnalite en scene. Je
crois que le grand art est scientifique et impersonnel. Il faut par un
effort d'esprit se transporter dans les personnages et non les attirer
a soi." (_Lettres de Flaubert, a George Sand_, ed. Charpentier, p. 41.)
"Quelle forme faut-il prendre pour exprimer parfois son opinion sur les
choses de ce monde sans risquer de passer plus tard pour un imbecile?
Cela est un rude probleme. Il me semble que le mieux est de les peindre
tout bonnement, ces choses qui nous exasperent; dissequer est une
vengeance." (Ib. p. 47.)
"Je me borne donc a exposer les choses telles qu'elles m'apparaissent, a
exprimer ce qui me semble le vrai. Tant pis pour les consequences;
riches ou pauvres, vainqueurs ou vaincus, je n'admets rien de tout cela.
Je ne veux avoir ni amour, ni haine, ni pitie, ni colere. Quant a de la
sympathie, c'est different: jamais on en a assez ... Est-ce qu'il n'est
pas temps de faire entrer la justice dans l'art?" (Ib. p. 283.)
Voici pour la tendance contraire: "Peindre des bourgeois modernes et
francais, me pue au nez etrangement (ib. p. 41). Ceux que je vois
souvent et que vous designez, recherchent tout ce que je meprise et
s'inquietent mediocrement de ce qui me tourmente. Je regarde comme tres
secondaire le detail technique, le renseignement local, enfin le cote
historique et exact des choses. Je recherche par dessus tout la
_beaute_, dont mes compagnons sont mediocrement en quete." (Ib. p.
274.)
Ce passage-ci constate la contradiction de ses penchants: "Je suis comme
M. Prudhomme qui trouve que la plus belle eglise serait celle qui aurait
a la fois la fleche de Strasbourg, la colonnade de Saint-Pierre, le
portique du Parthenon, etc. J'ai des ideaux contradictoires; de la
embarras, arret, impuissance."(Ib. p. 72.)
Et voici qui met sur la voie de la cause de cette opposition: "Je ne
sais plus comment il faut s'y prendre pour ecrire, et j'arrive a
exprimer la centieme partie de mes idees apres des tatonnements
infinis."(Ib. p. 17.) "Ce souci de la beaute exterieure que vous me
reprochez est pour moi une _methode_. Quand je decouvre une mauvaise
assonance ou une repetition
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