confits, dans les sacs d'amandes et de noisettes, dans les
tiroirs pleins de sucrerie.
Aussi, malgre les invitations que lui fit Planchet de monter a
l'entresol, choisit-il pour habitation favorite, pendant la soiree
qu'il avait a passer chez Planchet, la boutique, ou ses doigts
rencontraient toujours ce que son nez avait senti et vu.
Les belles figues de Provence, les avelines du Forest, les prunes
de la Touraine, devinrent pour Porthos l'objet d'une distraction
qu'il savoura pendant cinq heures sans interruption.
Sous ses dents, comme sous des meules, se broyaient les noyaux,
dont les debris jonchaient le plancher et criaient sous les
semelles de ceux qui allaient et venaient; Porthos egrenait dans
ses levres, d'un seul coup, les riches grappes de muscat sec, aux
violettes couleurs, dont une demi-livre passait ainsi d'un seul
coup de sa bouche dans son estomac.
Dans un coin du magasin, les garcons, tapis avec epouvante,
s'entre regardaient sans oser se parler.
Ils ignoraient Porthos, ils ne l'avaient jamais vu. La race de ces
Titans qui avaient porte les dernieres cuirasses d'Hugues Capet,
de Philippe-Auguste et de Francois Ier commencait a disparaitre.
Ils se demandaient donc mentalement si ce n'etait point la l'ogre
des contes de fees, qui allait faire disparaitre dans son
insatiable estomac le magasin tout entier de Planchet, et cela
sans operer le moindre demenagement des tonnes et des caisses.
Croquant, machant, cassant, grignotant, sucant et avalant, Porthos
disait de temps en temps a l'epicier:
-- Vous avez la un joli commerce, ami Planchet.
-- Il n'en aura bientot plus si cela continue, grommela le premier
garcon, qui avait parole de Planchet pour lui succeder.
Et, dans son desespoir, il s'approcha de Porthos, qui tenait toute
la place du passage qui conduisait de l'arriere-boutique a la
boutique. Il esperait que Porthos se leverait, et que ce mouvement
le distrairait de ses idees devorantes.
-- Que desirez-vous, mon ami? demanda Porthos d'un air affable.
-- Je desirerais passer, monsieur, si cela ne vous genait pas
trop.
-- C'est trop juste, dit Porthos, et cela ne me gene pas du tout.
Et en meme temps il prit le garcon par la ceinture, l'enleva de
terre, et le posa doucement de l'autre cote.
Le tout en souriant toujours avec le meme air affable.
Les jambes manquerent au garcon epouvante au moment ou Porthos le
posait a terre, si bien qu'il tomba le derriere sur des lieges.
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