est donc telle, que, s'il y a
de la politique la-dessous, j'aime mieux retourner a Pierrefonds.
-- Vous auriez raison, si cela etait; mais avec moi, cher Porthos,
jamais de politique, c'est net. Vous avez travaille a fortifier
Belle-Ile; le roi a voulu savoir le nom de l'habile ingenieur qui
avait fait les travaux; vous etes timide comme tous les hommes
d'un vrai merite; peut-etre Aramis veut-il vous mettre sous le
boisseau. Moi, je vous prends; moi, je vous declare; moi, je vous
produis; le roi vous recompense et voila toute ma politique.
-- C'est la mienne, morbleu! dit Porthos en tendant la main a
d'Artagnan.
Mais d'Artagnan connaissait la main de Porthos; il savait qu'une
fois emprisonnee entre les cinq doigts du baron, une main
ordinaire n'en sortait pas sans foulure. Il tendit donc, non pas
la main, mais le poing a son ami. Porthos ne s'en apercut meme
pas. Apres quoi ils sortirent tous deux de Saint-Mande.
Les gardiens chuchoterent bien un peu et se dirent a l'oreille
quelques paroles que d'Artagnan comprit, mais qu'il se garda bien
de faire comprendre a Porthos.
"Notre ami, dit-il, etait bel et bien prisonnier d'Aramis. Voyons
ce qu'il va resulter de la mise en liberte de ce conspirateur."
Chapitre CXLIII -- Le rat et le fromage
D'Artagnan et Porthos revinrent a pied comme d'Artagnan etait
venu.
Lorsque d'Artagnan, entrant le premier dans la boutique du _Pilon
d'Or_, eut annonce a Planchet que M. du Vallon serait un des
voyageurs privilegies; lorsque Porthos, en entrant dans la
boutique, eu fait cliqueter avec son plumet les chandelles de bois
suspendues a l'auvent, quelque chose comme un pressentiment
douloureux troubla la joie que Planchet se promettait pour le
lendemain.
Mais c'etait un coeur d'or que notre epicier, relique precieuse du
bon temps, qui est toujours et a toujours ete pour ceux qui
vieillissent le temps de leur jeunesse, et pour ceux qui sont
jeunes la vieillesse de leurs ancetres.
Planchet, malgre ce fremissement interieur aussitot reprime que
ressenti, accueillit donc Porthos avec un respect de tendre
cordialite.
Porthos, un peu roide d'abord, a cause de la distance sociale qui
existait a cette epoque entre un baron et un epicier, Porthos
finit par s'humaniser en voyant chez Planchet tant de bon vouloir
et de prevenances.
Il fut surtout sensible a la liberte qui lui fut donnee ou plutot
offerte, de plonger ses larges mains dans les caisses de fruits
secs et
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