vez raison... Car, si on savait qu'il y a un adultere dans la vie de
la grande Catherine, s'il y avait de par le monde un homme qui puisse
entrer un jour ici et revendiquer peut-etre des droits de naissance,
a coup sur des droit du coeur... oui, ce serait horrible pour moi!...
C'est cela que vous avez voulu dire, n'est-ce pas?...
--Madame, s'ecria l'espionne affolee deja, comment oserais-je me
permettre une pareille pensee!
Catherine se leva brusquement.
--Cet homme existe! gronda-t-elle. Oui, Alice, cette affreuse menace est
suspendue sur la tete de ta reine! Et maintenant tu vas savoir pourquoi
je considere Marillac comme mon ennemi mortel, pourquoi j'ai voulu le
surveiller etroitement, pourquoi je t'ai attachee a ses pas...
Alice frissonnait.
Catherine notait ces frissons, etudiait cette paleur livide, cherchait
a provoquer le coup de foudre qui eclairerait ce qu'il y avait d'obscur
dans la pensee d'Alice...
--Alice, dit la reine en martelant ses paroles, il y a un homme qui est
la preuve vivante de ma faute, et cet homme, mon fils... Marillac le
connait...
--C'est faux, rugit Alice.
--Comment le sais-tu? haleta Catherine. Tu sais donc quelque chose?...
--Rien, madame, rien, je le jure! Marillac ne sait rien...
--Comment le sais-tu?
--Il me l'eut dit! Il n'a pas de secret pour moi...
La reponse etait si naturelle, si vraisemblable, que la reine reprit
lentement sa place et murmura:
"Me suis-je trompee?..."
Mais c'etait une habile tourmenteuse que Catherine de Medicis. Elle
rassembla ses idees et, avec cette rapidite, cette lucidite qui la
faisaient si redoutable, changea sur l'instant meme son plan d'attaque.
--Oui, dit-elle avec une melancolie profonde, je haissais le comte de
Marillac... Je ne le hais plus, Alice. Ne crois pas que ce soit pour toi
que je lui ai pardonne... Je l'aime bien, c'est vrai, mais mon affection
ne pouvait aller jusque-la... Non, si j'ai pardonne au comte, c'est
que j'ai acquis la certitude qu'il n'a pas parle, qu'il a enseveli en
lui-meme le terrible secret... Et puis, ce qui me rassure, c'est que je
compte sur toi pour l'emmener loin de Paris...
L'espionne fut, des lors, entierement rassuree.
"Voila donc la verite! Je la vois clairement. La reine sait que son fils
est vivant! Elle croit que Deodat connait son fils. Elle me charge de
l'entrainer loin de Paris. C'est simple. Mais que serait-ce donc si elle
savait que ce fils... c'est Deodat lui-meme!"
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