les quarante mille livres!"
Un eclair, a ce moment, illumina la face convulsee du cadavre.
Le truand se releva.
"Pas de danger qu'elle en revienne, monsieur l'astrologue!... Entrons
la, j'ai soif..."
Il frappa d'une facon speciale. La porte s'entrouvrit. Le truand entra
et alla s'asseoir dans un coin obscur, la sacoche sur ses genoux, sous
la table.
Il parvint a entrouvrir la sacoche, y plongea la main, tata les rouleaux
d'ecus, sentit les pierres sous ses doigts.
"Bon. Les quarante mille livres y sont. Cornes d'enfer! Pourquoi ne
suis-je pas plus joyeux?..."
Qu'eut dit le truand s'il eut connu la veritable fortune que renfermait
la sacoche?...
Peu nous importe, au fond.
Cette sinistre silhouette, apparue un instant, disparait de notre recit
sans que nous sachions si nous la retrouverons plus tard. C'est une
ombre qui passe; nous l'avons note pour le geste tragique inspire par
Catherine, qui avait toutes les prudences.
Le truand, ayant vide plusieurs flacons, paya et s'en alla sans bruit.
Mais, puisque nous venons de penetrer dans le cabaret des
deux-morts-qui-parlent, jetons-y un coup d'oeil.
Il y avait nombreuse societe, surtout composee de femmes, dans ce que
Catho appelait la grande salle.
Catho etait sujette aux hyperboles et exagerations. En vente, cette
"grande salle" etait assez etroite. Elle contenait cinq tables. A
chaque table, il y avait trois ou quatre buveurs, truands et ribaudes,
physionomies feroces ou abeties, gens de sac et de corde, qui
composaient la clientele nocturne du cabaret.
En effet, l'auberge des Deux-morts-qui-parlent, frequentee le jour par
des bourgeois et des soldats, devenait, la nuit, un veritable repaire.
Catho ne s'etait jamais senti le courage de refuser l'hospitalite a ses
anciennes connaissances.
Il en resultait que cette salle avait, le jour, l'aspect du plus honnete
cabaret qui fut dans le quartier, et, la nuit, l'apparence d'une
veritable caverne ou se refugiaient des gens poursuivis par le guet, des
ribaudes qui attendaient la bonne fortune.
A cette heure tardive, Catho n'etait pas couchee encore. Elle etait
attablee dans un etroit cabinet, attenant a la salle publique, et
causait avec deux jeunes femmes.
Ces deux femmes etaient entrees vers dix heures dans le cabaret,
et, comme cette visite s'enchaine etroitement a divers incidents de
l'histoire que nous racontons, il est interessant que nous reprenions du
debut la conversation qu'elles
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