moi! Et comment
ferais-je pour boire sans langue?
Gillot, a partir de ce moment, devint larmoyant.
--Tu les as la, tes ecus? demanda l'oncle. Fais voir un peu...
Gillot vida sa ceinture sur la table; les ecus roulerent; les yeux de
Gilles brillerent.
--C'est pourtant moi qui t'ai donne cela! fit-il d'un etrange accent,
tandis que ses doigts osseux caressaient les ecus et commencaient a les
empiler...
--Sans compter..., balbutia Gillot, ce que vous... devez encore... me
donner... Ca, mon oncle, c'est pour boire... vous me l'avez dit... mais
maintenant... vous devez... me donner le reste...
--Quel reste? haleta Gilles.
--Le marechal a dit... trois mille ecus... trois mille...
--Bois donc, imbecile!
Gillot obeit. Son gobelet vide roula sur le carreau.
L'oncle s'etait leve. Il etait hagard. La vue des piles d'ecus lui
donnait le vertige.
--Imbecile! gronda-t-il. Trois mille ecus d'or! a toi? Tu es ivre, je
pense!
--Monseigneur... l'a dit!... He la! mon oncle!... Payez... ou je me
plains... au marechal...
--Payer!... rugit le vieillard... Et si je ne veux pas, moi!...
Miserable! tu veux donc me ruiner?...
--Bon, bon! grommela Gillot en essayant vainement de se lever, nous
allons voir... ce que monseigneur...
--Prends garde, Gillot, ricana l'oncle.
--Ah!... quel drole de rire... vous avez... j'ai peur...
Gilles riait de son effroyable rire. Il etait livide. La pensee d'avoir
a livrer trois mille ecus d'or l'affolait. Et la pensee que Gillot
pourrait le denoncer au marechal, s'il ne s'executait pas, lui
paraissait non moins effrayante.
--Ecoute, Gillot, dit-il tout a coup, veux-tu me donner de bon coeur cet
argent dont tu ne saurais que faire?
--Fou! begaya Gillot, mon pauvre oncle est devenu fou...
Gillot ne put achever. Le vieillard s'etait precipite sur lui et, d'un
tour de main, l'avait baillonne. Puis, saisissant une corde que sans
doute il avait preparee d'avance, il le lia sur son fauteuil.
Cela s'etait fait si vite que Gillot, soudain degrise par l'epouvante,
se vit dans l'impossibilite de faire un mouvement en meme temps qu'il
voulut essayer de se defendre.
Quant au vieillard, il marmottait des mots sans suite, allant et venant
comme un lutin, placant dans une armoire les ecus que Gillot avait jetes
sur la table, sauf un petit tas. Quand cette operation fut terminee,
quand il eut referme l'armoire, Gilles se retourna vers son neveu et le
debaillonna.
Gillot en pro
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