alpiter, elle si forte, elle comprit tout
l'effet qu'elle avait du produire.
Oui, la reine etait emue!
Un souvenir traversa son esprit.
Elle se revit a la bataille de Jarnac, trois ans auparavant, dansant
au son des violes sur le champ de bataille avec ces memes filles qui
etaient devant elle; elle entendit les eclats de rire de ses femmes
lorsqu'il leur arrivait de marcher sur un blesse, ou de laisser trainer
le bas de leurs robes dans une flaque de sang; et dans sa tete le son
des violes se melait au son du canon: pendant qu'elle dansait, on
bombardait les huguenots en deroute.
Du sang et des danses!
Des cadavres et des jeunes filles qui rient!
De la mort et de l'amour!
L'esprit de Catherine etait fait de ces antitheses exorbitantes, de ces
formidables contrastes.
Sous ses yeux, maintenant, dans l'eglise noire, emplie de silence,
l'escadron volant etait la, non pas au complet: sur les cent cinquante
filles de noblesse qu'elle surexcitait, transformant les unes en
ribaudes, les autres en espionnes, elle n'avait fait venir que celles
dont elle etait tres sure.
Celles-ci lui etaient soumises, lui appartenaient corps et ame. Leur
admiration pour la souveraine maitresse tenait de l'adoration.
Ribaudes, guerrieres, espionnes, hysterisees par les passions, par les
plaisirs orgiaques, surmenees de jouissance et de superstition, dans un
couvent elles eussent ete des possedees. Elles l'etaient en effet: l'ame
de Catherine les brulait...
Et elles etaient jeunes, belles, oui, belles a inspirer autour d'elles
d'effroyables passions...
Tel etait l'escadron volant de la reine.
--Mes filles, dit Catherine, l'heure approche ou vous allez delivrer le
royaume. Vous allez entrer dans la gloire de la supreme victoire... J'ai
voulu la paix avec les heretiques: Dieu m'en punit. Je suis frappee dans
ce que j'ai de plus cher au monde, c'est-a-dire en vous qui etes mes
veritables filles selon mon coeur.
Les auditrices s'entre-regarderent avec ce vague sentiment de terreur
que l'accent, plus encore que les paroles de la reine, semblait
distiller. Elle continua: "Parce que vous etes toute ma joie, toute ma
consolation, toute ma force, parce que vous m'aidez dans la terrible
lutte que j'ai engagee, parce que vous etes les plus implacables ennemis
que Dieu ait suscites aux heretiques, parce que vous etes enfin les
guerrieres de Dieu, on a resolu votre perte. Dans une meme nuit, vous
devez etre egorgees. Si ce malhe
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