Marillac... Rassurez-vous: j'ai pris mes precautions... ils ne se
verront pas.
--Ah! madame, s'ecria Alice dans une explosion de joie sincere, que ne
puis-je mourir pour Votre Majeste!...
--Enfant que vous etes! Songez donc a vivre bien plutot!... Mais
ce n'est pas tout, Alice. Je vous ai parle avec la plus entiere
franchise... j'espere que vous-meme...
--Interrogez-moi, madame!
--Eh bien, demanda la reine, que pretendez-vous faire? J'entends non pas
seulement demain, mais des cette nuit... Restez-vous a Paris?... Vous en
allez-vous?...
Alors l'espionne devina ou crut avoir devine la secrete pensee de la
reine.
Le comte de Marillac, c'etait son fils!
L'espionne le savait. Elle l'avait appris a Saint-Germain, dans la
soiree meme ou la reine de Navarre l'avait chassee. Ce terrible secret,
elle l'avait enferme au plus profond de son coeur.
En effet, elle avait cette conviction profonde que la reine tuerait
Marillac du jour ou le mystere de sa naissance menacerait de s'eclairer.
Voici donc ce qu'elle supposa: la reine sait que Marillac est son fils.
Elle sait que je ne puis vivre a Paris sans risquer d'etre demasquee a
chaque instant. Elle sait donc que j'entrainerai le comte le plus loin
possible de Paris. Et c'est pour cela, c'est uniquement pour cela
qu'elle me le donne pour epoux et que mon mariage se fait la nuit, en
plein mystere...
--Madame, dit-elle, c'est justement de ces choses que je voulais, ce
soir, m'entretenir avec le comte. Mais j'attendrai les ordres de Votre
Majeste.
--Nullement. Je veux que vous en fassiez a votre tete. Voyons, quel
conseil donnerez-vous au comte?
--Eh bien, madame, pour etre franche comme me l'ordonne ma reine, je
n'ai pas de plus ardent desir que de quitter Paris. Votre Majeste me
pardonnera, j'ose l'esperer.
--Ainsi, reprit Catherine avec une joie visible et peut-etre sincere,
vous partirez... mais quand?
--Des cette nuit, si je puis, madame!
Catherine demeura pensive pendant quelques instants.
Qui sait si, a ce moment, elle ne pesa pas une derniere fois dans son
esprit la necessite du meurtre de son fils.
Qui sait si elle ne se dit pas que ce meurtre etait peut-etre inutile!
--Ce soir, a minuit, dit-elle lentement, une voiture vous attendra a la
porte de Saint-Germain-l'Auxerrois. J'aurai donne les ordres necessaires
pour qu'elle puisse franchir sans obstacle la porte Bucy, par laquelle
vous quitterez Paris. Vous gagnerez Lyon sans vous arrete
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