d'ivoire, et ses yeux, sous ses sourcils
fronces, avaient un regard de fou. Ce fut une sinistre apparition qui
passa dans un grand frisson de defiance. Pres de lui, Henri de Bearn,
tres, pale aussi et pourtant souriant, considerait le peuple avec
inquietude, ne voyant autour de lui que des visages hostiles et des yeux
menacants.
Dans un vaste carrosse entierement dore, trame par huit chevaux blancs,
on vit alors Catherine de Medicis et Marguerite de France: la vieille
reine rutilante de diamants, toute raide dans une robe de lourde soie
qui semblait taillee dans le marbre, glaciale, hautaine et, semblait-il,
attristee par la ceremonie qui se preparait; sa fille Margot, radieuse
de beaute, indifferente a ce qui se passait, un pli d'ironie au coin des
levres.
La reine mere etait a droite et, de ce cote-la, retentirent des
hurlements forcenes de:
"Vive la messe! Vive la reine de la messe!"
Marguerite etait assise a gauche et, sur la gauche du carrosse, ce
furent des ricanements qui eclaterent. "Bonjour, madame, cria une femme;
votre mari a-t-il ete a confesse, au moins?"
Le carrosse passa dans un rire enorme; mais, aussitot apres les
vingt-quatre voitures qui contenaient les princes du sang, c'est-a-dire
Henri, duc d'Anjou, et Francois, duc d'Alencon, et la duchesse de
Lorraine, deuxieme fille de Catherine, puis les dames d'atours, les
demoiselles d'honneur, parurent divers personnages que la foule
accueillit par un tonnerre de vivats: le duc de Guise, le marechal
de Tavannes, le marechal de Damville, le duc d'Aumale, M. Goude, le
chancelier de Birague, le duc de Nevers, et une foule de gentilshommes,
tous dans des carrosses d'une fabuleuse richesse tous vetus de costumes
d'une reelle splendeur.
Puis, tout aussitot, les hurlements reprirent:
"A la messe! A la messe!"
Les huguenots apparaissaient a leur tour en des costumes non moins
riches, mais plus severes que les catholiques.
On ignore qui avait ainsi ordonnance la marche du cortege. Mais
cette separation tres nette entre les gentilshommes catholiques et
protestants, le soin qu'on avait eu de placer les huguenots a la fin,
a part quelques-uns comme Coligny et Conde qui occupaient leur rang
naturel, permirent a la multitude mille suppositions, dont la plus
essentielle etait qu'on avait voulu mortifier les heretiques.
Ils passerent tres fiers, dedaignant de repondre aux quolibets, aux
plaisanteries, aux insultes.
Or, au fur et a mesure que le co
|