icament... Le roi Henri, l'amiral, le prince de Conde et moi, nous
montames a cheval pour escorter la litiere; quelques gentilshommes nous
accompagnerent. La litiere, ainsi entouree de notre groupe et precedee
de laquais a cheval, portant des flambeaux, traversa la foule qui
entourait le Louvre. A la vue du roi Henri, cette foule se mit a
pousser des clameurs comme si nous eussions ete des ennemis; cependant,
lorsqu'on sut que la litiere contenait Jeanne d'Albret mourante, un
grand silence se fit, et, ces gens, honteux peut-etre, s'ecarterent,
mais, dans leur silence meme, ce n'etait pas le respect de la mort qui
apparaissait... Ah! chevalier, quelle nuit!... Quand je songe a cette
fete monstrueuse, a cette orgie plutot, ou les notres ont tolere que
leurs femmes fussent insultees, puis ces cris funebres, cette litiere
qui passe a travers un peuple retenant a peine ses grondements, je me
prends a songer a quelque enorme et fantastique traquenard... mais c'est
de la folie.
--Hum! fit le chevalier.
--Le roi nous comble de ses caresses; la reine mere... je connais ses
sentiments...
--Hum! hum! repeta le chevalier.
--Le peuple nous est seul hostile; mais M. de Guise nous assure que
les Parisiens n'ont qu'un reste de mauvaise humeur, qui se dissipera
lorsqu'on aura vu notre roi entrer a Notre-Dame...
Et, comme pour eviter d'approfondir les soupcons qu'evoquait l'attitude
du chevalier, le comte se hata de continuer son recit:
--Lorsque la reine eut ete couchee dans son lit, elle reprit
connaissance. Le medecin du roi, maitre Ambroise Pare, arriva a ce
moment. Mais la reine, le regardant fixement, lui dit: "Je vous
remercie, maitre, Vous pouvez vous retirer. Tous soins seraient inutiles
contre le mal. Je vais mourir... Allez!" Sans insister davantage, maitre
Pare s'inclina, en poussant un soupir, et, comme il se retirait, nous
vimes que son visage portait les traces d'une etrange epouvante.
--Ah! ah! Ce medecin n'est-il pas de la religion reformee?
--Oui, chevalier.
--Et vous dites qu'il n'insista pas pour donner des soins a la
malheureuse reine? Et vous dites qu'il avait l'air epouvante?
--En effet. Mais n'etait-ce pas naturel? Ce mal foudroyant...
--Non, comte! Ambroise Pare est un homme energique. S'il n'a pas
insiste, s'il a ete epouvante, s'il a recule, enfin...
--Que voulez-vous dire, chevalier? s'ecria Marillac avec agitation.
--Rien, fit sourdement le chevalier. Je m'etonne de cette attitude,
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