u vous avez
perdu celle que vous consideriez comme telle?
--Que voulez-vous dire? fit Marillac en tressaillant.
--Simplement ceci: tant que la reine de Navarre a vecu, Catherine
de Medicis vous est apparue comme un monstre capable de toutes les
atrocites. Or, c'est justement dans la nuit ou est morte l'infortunee
Jeanne d'Albret que madame votre mere a commence de se reveler a vous
dans toute sa maternelle mansuetude...
--Je vous avoue que je n'ai pas songe a cette coincidence, dit Marillac
en passant une main sur son front. Mais, puisque vous m'y faites penser,
ne dois-je pas voir la une preuve de plus que mon bonheur depasse mes
esperances?"
Ce fut au tour de Pardaillan de tressaillir.
Il eut la sensation que son ami cherchait a s'etourdir, et qu'il faisait
un violent effort pour se persuader a soi-meme qu'il etait heureux.
Oui, peut-etre Marillac avait-il entrevu la haine formidable qui couvait
sous les sourires de Catherine! Peut-etre, a force de creuser le
probleme, en etait-il arrive a pressentir vaguement vers quels abimes il
etait entraine!... Peut-etre n'y avait-il en lui qu'un desespoir sans
fond... le desespoir d'avoir compris que sa mere voulait le tuer, le
desespoir de deviner que sa fiancee etait complice de sa mere!...
Peut-etre, disons-nous!
Car, ce que nous etablissons en quelques lignes positives, Marillac ne
pouvait que le soupconner.
--Vous ne m'avez jamais raconte la mort de la reine de Navarre! reprit
tout a coup le chevalier.
--Ce sont de funestes souvenirs que vous remuez la, chevalier, dit le
comte avec une sombre expression. Ce fut foudroyant. La reine etait
arrivee a neuf heures au Louvre, ou on celebrait les fiancailles de
son fils et de la princesse Marguerite. Apres avoir recu l'hommage des
seigneurs catholiques, elle s'assit dans un fauteuil de ce salon, ou
le roi de France vint, en personne, lui temoigner son affectueuse
admiration. Moi, j'etais ou vous savez. Lorsque je fus redescendu dans
les salles de fete, je la cherchai longtemps et ne la trouvai qu'a
l'instant ou elle s'evanouissait. Il y eut de grandes rumeurs, et je
n'oublierai jamais la douleur qui eclata sur le visage de... la reine
mere...
--De Catherine de Medicis? insista le chevalier.
--Oui, mon ami... Apres que le medecin du roi eut examine la reine de
Navarre, celle-ci fut aussitot transportee jusqu'a sa litiere, malgre
Ambroise Pare, qui lui voulait, sur l'heure, administrer je ne sais quel
med
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