On alla porter la reponse de Valence a Louis, qui repliqua que
tirer la queue d'un camarade n'etait qu'une taquinerie, tandis que
donner un soufflet etait une insulte.
L'entetement donnait a un enfant de treize ans la logique d'un
homme de trente.
Le moderne Popilius retourna porter la guerre a Valence.
Le jeune homme etait fort embarrasse: il ne pouvait, sous peine de
ridicule, se battre avec un enfant: s'il se battait et qu'il le
blessat, c'etait odieux; s'il etait blesse lui-meme, c'etait a ne
jamais s'en consoler de sa vie.
Cependant l'entetement de Louis, qui n'en demordait pas, rendait
l'affaire grave.
On assembla le conseil des _grands_, comme cela se faisait dans
les circonstances serieuses.
Le conseil des grands decida qu'un des leurs ne pouvait pas se
battre avec un enfant; mais que, puisque cet enfant s'obstinait a
se regarder comme un jeune homme, Valence lui dirait devant tous
ses compagnons qu'il etait fache de s'etre laisse emporter a le
traiter comme un enfant et que desormais il le regarderait comme
un jeune homme.
On envoya chercher Louis, qui attendait dans la chambre de son
ami; on l'introduisit au milieu du cercle que faisaient dans la
cour les jeunes eleves.
La, Valence, a qui ses camarades avaient dicte une sorte de
discours longtemps debattu entre eux pour sauvegarder l'honneur
des grands a l'endroit des petits, declara a Louis qu'il etait au
desespoir de ce qui etait arrive, qu'il l'avait traite selon son
age, et non selon son intelligence et son courage, le priant de
vouloir bien excuser sa vivacite et de lui donner la main en signe
que tout etait oublie.
Mais Louis secoua la tete.
-- J'ai entendu dire un jour a mon pere, qui est colonel,
repliqua-t-il, que celui qui recevait un soufflet et qui ne se
battait pas etait un lache. La premiere fois que je verrai mon
pere, je lui demanderai si celui qui donne le soufflet et qui fait
des excuses pour ne pas se battre n'est pas plus lache que celui
qui l'a recu.
Les jeunes gens se regarderent; mais l'avis general avait ete
contre un duel qui eut ressemble a un assassinat, et les jeunes
gens a l'unanimite, Bonaparte compris, affirmerent a l'enfant
qu'il devait se contenter de ce qu'avait dit Valence, ce que
Valence avait dit etant le resume de l'opinion generale.
Louis se retira pale de colere, et boudant son grand ami, qui,
disait-il avec un imperturbable serieux, avait abandonne les
interets de son honneur.
Le lend
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