a
mere et la fille ecoutaient avec un egal interet. Ce livre, c'est celui
qui parle a tous les ages, a toutes les conditions, et qui, depuis deux
mille ans, n'a rien perdu de son interet: c'est la Bible.
"Ah! Mademoiselle, disait souvent Madeleine, tout en mouillant et en
repassant ses dentelles, que Jesus-Christ etait bon, et qu'on voit bien
qu'il etait pauvre comme ceux qu'il consolait! Comme ces paroles me vont
au coeur! Comment se fait-il que je sois venue a mon age sans qu'on
m'ait donne a lire ce livre divin?
--On le lit a l'eglise tous les dimanches, Madeleine; pourquoi n'y
allez-vous pas? Vous etes chretienne, cependant. Cette image qui est la,
clouee au mur, qui represente un pretre a l'autel et une femme a genoux,
cette image au bas de laquelle il est ecrit: _Precieux souvenir si vous
etes fidele_, n'est-ce pas a votre premiere communion qu'on vous l'a
donnee?
--Vous avez raison, Mademoiselle, je suis une paienne; pardonnez-moi:
on m'a si mal elevee, et j'ai tant souffert! Pour nous autres, pauvres
gens, l'eglise c'est l'endroit ou l'on baptise nos enfants et ou l'on
nous enterre; nous n'en savons pas plus long. On y dit de belles
paroles, je le sais, j'y suis entree quelquefois; mais ces belles
paroles, on les pratique si peu que nous ne croyons guere a ceux qui
les prechent. C'est vous, Mademoiselle, qui me faites comprendre
Notre-Seigneur; vous etes bonne comme lui.
--Taisez-vous, Madeleine, ne dites rien de semblable; je ne suis qu'une
pecheresse, comme toutes les filles d'Eve.
--Ma petite maman, disait l'enfant, qui ne pouvait plus se separer de
Marie, lis-moi donc les belles histoires qui sont au commencement du
livre; ce sont celles-la que j'aime le mieux.
--Volontiers", dit Marie.
Et, ouvrant la Bible au hasard, elle lut ce qui suit:
"Sara, ayant vu le fils d'Agar l'Egyptienne, qui jouait avec son fils
Isaac, dit a Abraham:
"Chassez cette esclave et son enfant, car le fils de l'esclave ne sera
pas heritier avec mon fils."
"Au matin, Abraham se leva, et prenant un pain et une outre d'eau, il
les mit sur l'epaule de l'esclave, lui donna l'enfant et la renvoya. Et
Agar, etant partie, errait dans la solitude de Bethsabee.
"L'eau de l'outre etait epuisee. Agar jeta l'enfant sous un des arbres
qui etaient la.
"Et elle s'en alla, a la distance d'une portee d'arc, et dit: "Je ne
verrai pas mourir l'enfant." Elle s'assit, et elevant la voix, elle
pleura.
"Et Dieu entendit la voix
|