mpereur, et a ce titre, imbu de tous les prejuges de la
puissance. La loi defendait aux chretiens d'exister; Mare-Aurele ne
s'inquieta pas de savoir si cette loi etait injuste et cruelle; il ne
doutait pas qu'il n'eut le droit d'ordonner tout ce qui lui plaisait. Il
avait autour de lui de savants conseillers qui lui pretaient chaque jour
cette maxime despotique: L'empereur etait dieu, le Romain n'etait qu'un
esclave qui devait obeir et tout sacrifier, fut-ce meme sa conscience.
C'est ainsi que, malgre ses belles qualites et sa douceur, Marc-Aurele
en arriva a la persecution.
Cette persecution commenca a Lyon vers l'an 177; elle commenca, comme
de coutume, non par une accusation reguliere, mais par des emeutes. La
populace connaissait toujours les chretiens; c'etaient ces gens severes
et tristes qu'on ne voyait ni dans les temples, ni aux jeux, ni aux
fetes; chacun pouvait les designer du doigt comme des impies et des
athees, car on ne les voyait jamais adorer les dieux de la patrie. On
insulta les chretiens dans la rue; on les chassa de la place publique,
ou, suivant l'usage romain, les citoyens se reunissaient tous les jours,
et on leur interdit les bains publics: on les forca de se renfermer
chez eux et de se cacher comme des criminels. Si, par hasard, on les
rencontrait au dehors, la foule ameutee leur jetait des pierres; on les
frappait; on pillait leurs maisons; toute injure etait sainte et toute
violence legitime quand la victime portait le nom odieux de chretien.
Il semble que les magistrats auraient du proteger des innocents contre
de pareils outrages; car, dans un pays civilise, il n'est pas permis
d'user de violence, meme contre un criminel reconnu, meme contre un
assassin avere; mais il n'y avait pas de justice pour les chretiens; ils
etaient hors la loi. Le peuple qui les lapidait, les trainait devant le
magistrat apres les avoir insultes et demandait leur mort a grands cris.
Le proconsul, quelle que fut son opinion, ne pouvait hesiter a punir les
malheureux qu'on lui amenait; la pitie et l'indulgence l'eussent rendu
suspect a l'empereur. Il fallait donc punir comme des assassins des gens
dont le seul forfait etait de ne point sacrifier a de vaines idoles.
Constater le crime n'etait pas difficile; ce crime, c'etait de s'avouer
chretien, et jamais un fidele ne reculait devant cet aveu. D'ordinaire
il oubliait son nom, sa patrie, sa naissance, sa condition; et a toutes
les questions que lui adressait le proc
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