evant
les serviteurs de Cesar, se demandait quelle etait donc cette religion
nouvelle qui affranchit la conscience, chasse toute frayeur, donne
la liberte au milieu des fers, et met une esclave au-dessus meme de
l'empereur.
Blandine n'avait plus rien a craindre des hommes; c'etait elle
maintenant qui faisait trembler les ministres de Cesar. Cette depouille
sanglante, ce reste de chair et d'os, qui avaient echappe a la dent des
betes et au fer des bourreaux, voila des tresors que se disputaient
les chretiens. Pour obtenir ces saintes reliques, un fidele offrait sa
fortune; si on la refusait, il se glissait dans l'ombre des nuits pour
ravir ce qui, pour lui, etait plus precieux que l'or. Les magistrats
n'ignoraient pas que, si ce cadavre leur echappait, on se disputerait
chacun des cheveux de Blandine, et que chacun des possesseurs serait un
nouvel ami de la verite, un nouvel ennemi du despotisme imperial. C'est
la qu'etait le danger pour ces bourreaux qu'effrayait la pale figure
d'une pauvre femme qu'ils avaient egorgee.
Pendant six jours on exposa les restes des martyrs a toutes les injures
du temps, a tous les outrages des hommes; le septieme jour, on
les brula, et les cendres furent jetees dans le Rhone. Les paiens
s'imaginaient ainsi defier Dieu et empecher la resurrection
qu'attendaient les chretiens; ils voulaient ravir aux fideles toute
esperance, en meme temps leur oter tout souvenir. Impuissance de la
force!
Toutes ces violences ne trahissaient que la crainte. Les siecles ont
passe; le paganisme est tombe; le nom des bourreaux a disparu sous
l'execration publique. Mais le nom de Blandine est reste. De cette douce
et courageuse victime, l'Eglise a fait une sainte, et tant qu'il y aura
des fideles sur la terre, le cri de Blandine restera la devise de la
societe chretienne: _Nous nommes chretiens, et nous ne faisons rien de
mal_; belles et saintes paroles qu'on ne saurait trop mediter.
C'est ainsi que par sa foi, son amour de la verite, son devouement a
Dieu, Blandine, la pauvre esclave, a merite de vivre dans l'histoire.
Aussi longtemps qu'il y aura en France des femmes chretiennes, elles
respecteront sa memoire, elles admireront l'exemple de cette heroine
chretienne, qui du sein de sa faiblesse et de ses miseres, nous crie
qu'on peut toujours s'elever en faisant son devoir; que la veritable
grandeur de l'homme est dans son ame, et qu'on ne doit jamais avilir
cette ame, que Dieu a faite a son image et qui
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