oquerico, Votre Excellence s'est
amusee plus d'une fois a me jouer de mauvais tours. Il n'y a pas huit
jours encore que, se glissant en traitre derriere moi, Votre Seigneurie
s'est divertie a m'ouvrir la queue en eventail, et m'a couvert de
confusion a la face des nations. Patience donc, mon digne ami, les
railleurs ont leur tour; il leur est bon de faire penitence et
d'apprendre a respecter certains personnages qui, par leur naissance,
leur beaute et leur esprit, devraient etre a l'abri des plaisanteries
d'un sot."
Sur quoi Coquerico, se pavanant, se mit a chanter trois fois de sa voix
la plus rauque: _Coquerico! coquerico! coquerico!_ et il passa fierement
son chemin.
Dans un champ nouvellement moissonne ou les laboureurs avaient amasse de
mauvaises herbes fraichement arrachees, la fumee sortait d'un morceau
d'ivraie et de glaieul. Coquerico s'approcha pour picorer, et vit une
petite flamme qui noircissait les tiges encore vertes, sans pouvoir les
allumer.
"Mon bon ami, cria la flamme au nouveau venu, tu viens a point pour me
sauver la vie; faute d'aliment, je me meurs. Je ne sais ou s'amuse mon
cousin le Vent, qui n'en fait jamais d'autres; apporte-moi quelques
brins de paille seche pour me ranimer. Ce n'est pas une ingrate que tu
obligeras.
--Attends-moi, pensa Coquerico, je vais te servir comme tu le merites,
insolente qui oses t'adresser a moi! et voila le poulet qui saute sur
le tas d'herbes humides et qui le presse si fort contre terre, qu'on
n'entendit plus le craquement de la flamme et qu'il ne sortit plus
de fumee. Sur quoi, maitre Coquerico, suivant son habitude, se mit a
chanter trois fois: _Coquerico! coquerico! coquerico!_ puis il battit de
l'aile, comme s'il avait acheve les exploits d'Amadis.
[Illustration]
Toujours courant, toujours gloussant, Coquerico finit par arriver a
Rome: c'est la que menent tous les chemins. A peine dans la ville, il
courut droit a la grande eglise de Saint-Pierre. L'admirer, il n'y
songea guere; il se placa en face de la porte principale, et, quoiqu'au
milieu de la colonnade, il ne parut pas plus gros qu'une mouche; il
se hissa sur son ergot et se mit a chanter: _Coquerico! coquerico!
coquerico!_ rien que pour faire enrager le saint et desobeir a sa mere.
Il n'avait pas fini qu'un suisse, de la garde du Saint-Pere, qui
l'entendit crier, mit la main sur l'insolent et l'emporta chez lui pour
en faire son souper.
"Tiens, dit le suisse, en montrant Coquerico a s
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