t dans une langue douce et sonore, les
chansons de son pays: celle-ci, par exemple, qu'il recitait tous les
soirs a la clarte des etoiles, et que je n'ai pas oubliee:
Le chant du soldat
"Je suis un jeune soldat, toujours, toujours
a l'etranger.
--Quand j'ai quitte mon bon pere, la lune
brillait au ciel.
--La lune brille au ciel, j'entends mon
pere qui me pleure.
--Quand j'ai quitte ma bonne mere, le
soleil brillait au ciel.
--Le soleil brille au ciel, j'entends ma
mere qui me pleure.
--Quand j'ai quitte mes freres cheris, les
etoiles brillaient au ciel.
--Les etoiles brillent au ciel, j'entends
mes freres qui me pleurent.
--Quand j'ai quitte mes soeurs cheries,
les pivoines etaient en fleurs.
--Voici la pivoine qui fleurit, j'entends
mes soeurs qui me pleurent.
--Quand j'ai quitte ma bien-aimee, les lis
fleurissaient au jardin.
--Voici le lis en fleur, j'entends ma bien-aimee
qui me pleure.
"Il faut que ces larmes se sechent, demain
je veux partir d'ici.
"Je suis un jeune soldat, toujours, toujours
a l'etranger."
Le chant du fiance
"Vois cet oiseau, vois ce faucon qui s'eleve
au plus haut des cieux. Si je pouvais le prendre
et l'enfermer dans ma chambre!
"Cher oiseau, faucon au beau plumage,
apporte-moi quelque nouvelle.
--Volontiers, mais je ne te dirai rien
d'heureux. Avec un autre s'est fiancee ta bien-aimee.
--Valet, selle mon alezan; moi aussi je
veux etre la.
"Quand elle est entree dans l'eglise, c'etait
encore une simple fille; maintenant, assise
sur ce banc magnifique, c'est une grande
dame.
"Vois-tu la lune qui s'eleve entre deux petites
etoiles? C'est ma bien-aimee entre ses
deux belles-soeurs.
"Quand elle va pour se fiancer, je l'arrete
au passage. Chere enfant, rends-moi l'anneau
que j'ai achete.
--Va maintenant, va mon enfant, et point
de reproches; oui, c'est mon pauvre coeur
qui pleure, mais ce n'est pas de toi qu'il se
plaint."
La mer Noire n'est pas toujours commode; j'ai traverse plus d'une fois
les deux oceans, et je connais leurs tempetes; mais je crains moins
leurs longues vagues qui deferlent contre le navire, que ces petits
flots presses qui roulent et fatiguent un vaisseau, et qui, tout a coup,
s'entr'ouvrent comme un abime. Depuis deux jours et deux nuits nous
etions en perdition, et personne ne pouvait tenir sur le pont, horm
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