tis, composaient
la communaute nouvelle; rien n'y manquait, pas meme des esclaves
instruits par leur maitre. C'etait la le spectacle jusqu'alors inconnu
que donnait le christianisme; pour la premiere fois l'esclave etait
traite comme un homme, et non plus une brute; pour la premiere fois, le
riche et le puissant respectaient dans le pauvre et l'opprime une ame
immortelle, rachetee par Jesus-Christ.
Les chretiens etaient odieux aux paiens; leur religion, disait-on, etait
contraire aux lois de l'empire. Les paiens ne se trompaient pas dans
leur jugement. Les lois de l'empire soumettaient la conscience au
prince; c'etait l'empereur, c'etait le senat qui decidaient quels
dieux on devait adorer. Il n'est pas douteux que les chretiens ne
reconnaissaient pas cette tyrannie; aucun d'eux ne voulait s'avilir
devant ces dieux de pierre et de bois, que des gens corrompus et pervers
pretendaient imposer a la credulite populaire; les fideles preferaient
la mort au mensonge et au deshonneur; c'est pour cela qu'ils etaient
saints et grands.
Un autre reproche que les paiens faisaient aux chretiens, une autre
cause de haine et de mepris, c'est que les chretiens, disaient-ils,
etaient insociables. On ne les voyait jamais aux fetes publiques; jamais
ils ne prenaient part a ces spectacles que les empereurs prodiguaient
au peuple pour lui faire oublier sa servitude. En ce point encore, les
paiens avaient raison. Ces jeux qui faisaient la joie des Romains, ces
chasses du cirque ou des betes farouches dechiraient des malheureux sans
defense, ces combats de gladiateurs ou des esclaves s'entre-tuaient pour
amuser l'oisivete romaine, tout cela faisait horreur aux chretiens. Ils
vivaient loin de ce monde cruel et debauche; ils se reunissaient entre
eux comme des freres, communiant a la meme table, ne cherchant d'autre
plaisir que celui de s'entr'aimer et de servir Dieu d'un meme coeur.
Ce qu'il y a de plus odieux aux hommes, et surtout aux grands, c'est
qu'on ne partage ni leurs idees ni leurs amusements; on commenca par
dedaigner les chretiens; on voulut bientot les obliger de faire comme
la foule et d'adorer les caprices de l'empereur. Ils resisterent; cette
resistance fut un crime de lese-majeste; il fallait que dans l'empire
il n'y eut d'autre volonte, d'autre pensee que celle du souverain.
Marc-Aurele etait un grand prince, severe avec lui-meme, sobre,
courageux; il avait toutes les vertus d'un soldat et d'un philosophe,
mais il etait e
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