ndant des larmes, elle suppliait les freres d'adresser leurs
prieres a Dieu pour qu'elle obtint la mort, qui devait l'affranchir.
Il ne manquait pas non plus de paiens qui venaient pour seduire les
prisonniers par de belles promesses ou pour insulter a ce qu'ils
nommaient leurs vaines esperances. Blandine leur parlait avec douceur,
mais avec une foi profonde et une liberte sans bornes. Les paiens, emus,
sentaient bien que cette femme ne craignait plus rien des hommes, et
attendait tout de Dieu. Ils se demandaient d'ou venait cette force qui
leur manquait, et comment cette debile creature, seule et sans appui,
bravait l'injustice et la violence avec plus de fermete et d'energie que
n'en avaient jamais montre, en face de l'ennemi, leurs Scipions et leurs
Fabius, soutenus par une armee. Il y a une sainte contagion dans le
spectacle de la grandeur morale; parmi ces paiens venus par curiosite,
peut-etre y en eut-il plus d'un qui etait entre dans la prison de
Blandine en ennemi de la foi et qui en sortit deja chretien dans le
coeur.
Enfin arriva la lettre de Marc-Aurele; elle ordonnait la mort. Pour
honorer l'empereur et rendre la vengeance plus solennelle, le proconsul
attendit un des jours ou se tenait l'assemblee de la province. Assis sur
son tribunal, entoure de ses licteurs et de ses gardes, au milieu
des pompes theatrales, il se fit amener les chretiens, et, apres de
nouvelles menaces et de nouvelles prieres, lut a chacun d'eux l'arret de
mort. Les citoyens romains eurent aussitot la tete tranchee; les autres,
et Blandine etait du nombre, furent renvoyes aux betes; Attale aussi
fut epargne le premier jour; tout citoyen romain qu'il fut on l'avait
reserve pour l'amphitheatre, afin que l'ignominie du supplice fut un
chatiment de plus pour ce que le proconsul appelait l'obstination d'un
insense, et ce que nous appelons aujourd'hui la foi d'un chretien.
Au jour dit, le peuple emplit le vaste amphitheatre, criant qu'on livrat
les chretiens aux lions. Quand les grilles s'ouvrivent, il se lit un
profond silence, et alors parurent Attale, Blandine et un enfant de
quinze ans, nomme Ponticus. Comme ses devanciers, Attale souffrit tous
les tourments que demanda le caprice ou l'ivresse sanglante de la foule.
Lui aussi, apres l'avoir battu de verges et livre aux betes, on le fit
asseoir sur le fauteuil de fer rougi. Au milieu du supplice, l'injure et
la calomnie le poursuivaient encore. On lui reprochait de devorer
des enfants;
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