i repond au
nom de Julie. Elle occupe deux ouvrieres, et on commence a parler, dans
le quartier, du mariage possible de la jolie blanchisseuse avec un
dessinateur en broderies qui a un bon etablissement dans les environs.
Quant a ma cousine Marie, qui a trente ans maintenant, elle n'a pas
voulu se marier, au grand regret de ses parents; ils ne peuvent se
consoler d'avoir aupres d'eux une fille attentive et charmante qui leur
fait oublier les ennuis de la vieillesse. Tout entiere a ses oeuvres
de charite, Marie a recule devant le mariage, se trouvant trop laide,
dit-elle gaiement, pour faire la joie d'un galant homme, et ayant trop
d'enfants a soigner chez les autres pour avoir le temps de s'occuper de
ceux que le Ciel lui donnerait. Pour l'aider dans son ministere, car
c'est un vrai ministere qu'elle exerce, elle a aupres d'elle un gardien
fidele, une espece de Cerbere qui porte au loin la terreur, c'est
Madeleine, que le temps n'a pas calmee. Un pauvre vient-il demander Mlle
de la Guerche, Madeleine se fait aussi douce que le lui permet sa
nature emportee; il n'est pas de jour qu'elle ne monte seule, ou avec
Mademoiselle, dans tous les greniers du quartier, et toujours avec joie.
Mais vienne une visite mondaine, vienne un curieux, vienne surtout
quelque femme de chambre du voisinage, Madeleine montre les dents.
Elle est jalouse de sa maitresse, et ne la cede qu'aux pauvres et
aux malheureux. Pour moi, cependant, elle fait une exception. Quand
j'arrive, et qu'il y a la d'autres personnes, Madeleine me sourit du
regard, tout en faisant sa grosse voix pour chasser les importuns.
Quelquefois, je me laisse prendre a sa rudesse et je veux sortir; mais
sa main me prend le bras, comme dans un etau, et elle me dit d'une voix
brusque et comme un chien qui aboie: "Entrez, je sais que vous l'aimez."
Rien ne peut distraire Madeleine de sa passion pour sa maitresse,
quelquefois elle en rudoie sa fille; Marie est obligee de lui reprocher
sa durete; mais on ne changera pas Madeleine; son plaisir sera de
gronder jusqu'a son dernier jour. Personne ne comprend l'attachement de
ma cousine pour une femme aussi desagreable. Cependant, quand je vois
de quels yeux Madeleine contemple sa maitresse, comme elle la couve
du regard, comme elle devine tout ce que desire Mademoiselle, je lui
pardonne jusqu'a ses fureurs. On voit que toute sa vie appartient a
celle qui est venue s'asseoir au foyer desole de la veuve et de la mere
pour y apporter ce
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