IA, MARIO, LISETTE.
M. ORGON.
Paix! voici Lisette. Voyons ce qu'elle nous veut.
LISETTE.
Monsieur, vous m'avez dit tantot que vous m'abandonniez Dorante, que vous
livriez sa tete a ma discretion: je vous ai pris au mot, j'ai travaille
comme pour moi, et vous verrez de l'ouvrage bien fait, allez; c'est une
tete bien conditionnee.[206] Que voulez-vous que j'en fasse, a present?
Madame me le[207] cede-t-elle?
M. ORGON.
Ma fille, encore une fois, n'y pretendez-vous rien?
SILVIA,
Non: je te le donne, Lisette; je te remets tous mes droits, et, pour dire
comme toi, je ne prendrai jamais de part[208] a un coeur que je n'aurai
pas conditionne moi-meme.
LISETTE.
Quoi? vous voulez bien que je l'epouse? Monsieur le veut bien aussi?
M. ORGON.
Oui, qu'il s'accommode.[209] Pourquoi t'aime-t-il?
MARIO.
J'y consens aussi, moi.
LISETTE,
Moi aussi, et je vous en remercie tous.
M. ORGON.
Attends; j'y mets pourtant une petite restriction; c'est qu'il faudroit,
pour nous disculper de ce qui arrivera, que tu lui dises un peu qui tu es.
LISETTE.
Mais, si je lui dis[210] un peu, il le saura tout-a-fait.
M. ORGON.
Eh bien! cette tete en si bon etat ne soutiendra-t-elle pas cette
secousse-la? Je ne le[211] crois pas de caractere a s'effaroucher la-
dessus.
LISETTE.
Le voici qui me cherche; ayez donc la bonte de me laisser le champ libre:
il s'agit ici de mon chef-d'oeuvre.
M. ORGON.
Cela est juste: retirons-nous.
SILVIA.
De tout mon coeur.
MARIO.
Allons.
SCENE VI.
LISETTE, ARLEQUIN.
ARLEQUIN.
Enfin, ma reine, je vous vois, et je ne vous quitte plus, car j'ai trop
pati d'avoir manque de votre presence, et j'ai cru que vous esquiviez la
mienne.[212]
LISETTE.
Il faut vous avouer, Monsieur, qu'il en etoit quelque chose.[213]
ARLEQUIN.
Comment donc! ma chere ame, elixir de mon coeur, avez-vous entrepris la
fin de ma vie?[214]
LISETTE.
Non, mon cher, la duree m'en est trop precieuse.
ARLEQUIN.
Ah! que ces paroles me fortifient!
LISETTE.
Et vous ne devez point douter de ma tendresse.
ARLEQUIN.
Je voudrois bien pouvoir baiser ces petits mots-la, et les cueillir sur
votre bouche avec la mienne.
LISETTE.
Mais vous me pressiez sur notre mariage, et mon pere ne m'avoit pas encore
permis de vous repondre. Je viens de lui parler, et j'ai son aveu pour
vous dire que vous pouvez lui demander ma main quand vous voudrez.
ARLEQUIN.
Avan
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