MARQUIS.
Vous me faites bien de la grace... Je la prends, Mademoiselle.
HORTENSE.
Est-ce votre coeur qui me choisit, monsieur le Marquis?
LE MARQUIS.
N'etes-vous pas assez aimable pour cela?
HORTENSE.
Et vous m'aimez?
LE MARQUIS.
Qui est-ce qui dit le contraire? Tout a l'heure j'en parlois a Madame.
LA COMTESSE.
Il est vrai, c'etoit de vous dont il m'entretenoit; il songeoit a vous
proposer ce mariage.
HORTENSE.
Et vous disoit-il aussi qu'il m'aimoit?
LA COMTESSE.
Il me semble qu'oui;[72] du moins me parloit-il de penchant.
HORTENSE.
D'ou vient donc, monsieur le Marquis, me l'avez-vous laisse ignorer[73]
depuis six semaines? Quand on aime, on en donne quelques marques; et, dans
le cas ou nous sommes, vous aviez droit de vous declarer.
LE MARQUIS.
J'en conviens; mais le temps se passe: on est distrait, on ne sait pas si
les gens sont de votre avis.
HORTENSE.
Vous etes bien modeste. Voila qui est donc arrete, et je vais l'annoncer
au Chevalier, qui entre.
SCENE XII.
LE CHEVALIER, HORTENSE, LE MARQUIS, LA COMTESSE.
HORTENSE, _allant au-devant du Chevalier pour lui dire un mot a part._
Il accepte ma main, mais de mauvaise grace. Ce n'est qu'une ruse: ne vous
effrayez pas.
LE CHEVALIER, _a part._
Vous m'inquietez. (_Haut._) Eh bien, Madame, il ne me reste plus
d'esperance, sans doute? Je n'ai pas du m'attendre que monsieur le Marquis
put consentir a vous perdre.
HORTENSE.
Oui, Chevalier, je l'epouse; la chose est conclue, et le Ciel vous destine
a une autre qu'a moi. Le Marquis m'aimoit en secret, et c'etoit, dit-il,
par distraction qu'il ne me le declaroit pas... par distraction.
LE CHEVALIER.
J'entends,[74] il avoit oublie de vous le dire.
HORTENSE.
Oui, c'est cela meme; mais il vient de me l'avouer, et il l'avoit confie a
Madame.
LE CHEVALIER.
Eh! que ne m'avertissiez-vous, Comtesse? J'ai cru quelquefois qu'il vous
aimoit vous-meme.
LA COMTESSE.
Quelle imagination![75] A propos de quoi me citer ici?
HORTENSE.
Il y a eu des instants ou je le soupconnois aussi.
LA COMTESSE.
Encore! Ou est donc la plaisanterie, Hortense?
LE MARQUIS.
Pour moi, je ne dis mot.
LE CHEVALIER.
Vous me desesperez, Marquis.
LE MARQUIS.
J'en suis fache; mais mettez-vous a ma place: il y a un testament, vous le
savez bien, je ne peux pas faire autrement.
LE CHEVALIER.
Sans le testament, vous n'aimeriez peut-etre pas autant que
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