est fils d'un pere
extremement habile.
Mme. ARGANTE, _a Marton, a part_.
Je n'ai pas grande opinion de cet homme-la. Est-ce la la figure d'un
intendant? Il n'en a non plus l'air...
MARTON, _a part aussi_.
L'air n'y fait rien: je vous reponds de lui; c'est l'homme qu'il nous
faut.
Mme. ARGANTE.
Pourvu que Monsieur ne s'ecarte pas des intentions que nous avons, il me
sera indifferent que ce soit lui ou un autre.
DORANTE.
Peut-on savoir ces intentions, Madame?
Mme. ARGANTE.
Connoissez-vous monsieur le Comte Dorimont? C'est un homme d'un beau nom;
ma fille et lui alloient avoir un proces ensemble, au sujet d'une terre
considerable; il ne s'agissoit pas moins que de savoir a qui elle
resteroit, et on a songe a les marier, pour empecher qu'ils ne plaident.
Ma fille est veuve d'un homme qui etoit fort considere dans le monde, et
qui l'a laissee fort riche; mais madame la Comtesse Dorimont auroit un
rang si eleve, iroit de pair avec des personnes d'une si grande
distinction, qu'il me tarde[35] de voir ce mariage conclu; et, je l'avoue,
je serois charmee moi-meme d'etre la mere de madame la Comtesse Dorimont,
et de plus que cela peut-etre: car monsieur le Comte Dorimont est en
passe[36] d'aller a tout.[37]
DORANTE.
Les paroles sont-elles donnees de part et d'autre?
Mme. ARGANTE.
Pas tout a fait encore, mais a peu pres: ma fille n'en est pas eloignee.
Elle souhaiteroit seulement, dit-elle, d'etre bien instruite de l'etat de
l'affaire, et savoir si elle n'a pas meilleur droit que monsieur le Comte,
afin que, si elle l'epouse, il lui en ait plus d'obligation. Mais j'ai
quelquefois peur que ce ne soit une defaite.[38] Ma fille n'a qu'un
defaut, c'est que je ne lui trouve pas assez d'elevation[39]; le beau nom
de Dorimont et le rang de comtesse ne la touchent pas assez; elle ne sent
pas le desagrement qu'il y a de n'etre qu'une bourgeoise. Elle s'endort
dans cet etat[40], malgre le bien qu'elle a.
DORANTE, _doucement_.
Peut-etre n'en sera-t-elle pas plus heureuse si elle en sort.
Mme. ARGANTE, _vivement_.
Il ne s'agit pas de ce que vous en pensez; gardez votre petite reflexion
roturiere,[41] et servez-nous, si vous voulez etre de nos amis.
MARTON.
C'est un petit trait de morale qui ne gate rien a notre affaire.
Mme. ARGANTE.
Morale subalterne qui me deplait.
DORANTE.
De quoi est-il question, Madame?
Mme. ARGANTE.
De dire a ma fille, quand vous aurez vu ses papiers, que
|