lle. Sentez-vous cette paix douce qui se mele
a ce qu'elle dit?
M. ORGON.
Quoi! ma fille, tu esperes qu'il ira jusqu'a t'offrir sa main dans le
deguisement ou te voila?
SILVIA.
Oui, mon cher pere, je l'espere.
MARIO.
Friponne que tu es, avec ton "cher pere"! Tu ne nous grondes plus a
present, tu nous dis des douceurs.
SILVIA.
Vous ne me passez[198] rien.
MARIO.
Ha! ha! je prends ma revanche. Tu m'as tantot chicane sur les[199]
expressions: il faut bien, a mon tour, que je badine un peu sur les
tiennes; ta joie est bien aussi[200] divertissante que l'etoit ton
inquietude.
M. ORGON.
Vous n'aurez point a vous plaindre de moi, ma fille: j'acquiesce a tout ce
qui vous plait.
SILVIA.
Ah! Monsieur, si vous saviez combien je vous aurai d'obligation! Dorante
et moi nous sommes destines l'un a l'autre; il doit m'epouser. Si vous
saviez combien je lui tiendrai compte de ce qu'il fait aujourd'hui pour
moi, combien mon coeur gardera le souvenir de l'exces de tendresse qu'il
me montre! Si vous saviez, combien tout ceci va rendre notre union
aimable! Il ne pourra jamais se rappeler notre histoire sans m'aimer; je
n'y songerai jamais que je ne l'aime.[201] Vous avez fonde notre bonheur
pour la vie en me laissant faire: c'est un mariage unique; c'est une
aventure dont le seul recit est attendrissant; c'est le coup de hasard le
plus singulier, le plus heureux, le plus...
MARIO.
Ha! ha! ha! que ton coeur a de caquet,[202] ma soeur! quelle eloquence!
M. ORGON.
If faut convenir que le regal que tu te donnes est charmant, surtout si tu
acheves.
SILVIA.
Cela vaut fait,[203] Dorante est vaincu: j'attends mon captif.
MARIO.
Ses fers seront plus dores qu'il ne pense. Mais je lui crois l'ame en
peine, et j'ai pitie de ce qu'il souffre.
SILVIA.
Ce qui lui en coute a se determiner ne me le rend que plus estimable: il
pense qu'il chagrinera son pere en m'epousant; il croit trahir sa fortune
et sa naissance. Voila de grands sujets de reflexion: je serai charmee de
triompher. Mais il faut que j'arrache ma victoire, et non pas qu'il me la
donne; je veux un combat entre l'amour et la raison.
MARIO.
Et que la raison y perisse.
M. ORGON.
C'est-a-dire que tu veux qu'il sente toute l'etendue de 'impertinence[204]
qu'il croira faire. Quelle insatiable vanite d'amour-propre!
MARIO.
Cela, c'est l'amour-propre d'une femme, et il est tout au plus uni.[205]
SCENE V.
M. ORGON, SILV
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