e, je vous en conjure...
DORANTE.
Encore!
ARLEQUIN.
Ayez compassion de ma bonne aventure; ne portez point guignon[185] a mon
bonheur, qui va son train si rondement; ne lui fermez point le passage.
DORANTE.
Allons donc, miserable! je crois que tu te moques de moi! Tu meriterois
cent coups de baton.
ARLEQUIN.
Je ne les refuse point si je les merite; mais, quand je les aurai recus,
permettez-moi d'en meriter d'autres. Voulez-vous que j'aille chercher le
baton?
DORANTE.
Maraud!
ARLEQUIN.
Maraud soit; mais cela n'est point contraire a faire fortune.[186]
DORANTE.
Ce coquin! quelle imagination[187] il lui prend![188]
ARLEQUIN.
Coquin est encore bon, il me convient aussi: un maraud n'est point
deshonore d'etre appele coquin: mais un coquin peut faire un bon mariage.
DORANTE.
Comment, insolent, tu veux que je laisse un honnete homme dans l'erreur,
et que je souffre que tu epouses sa fille sous mon nom? Ecoute, si tu me
parles encore de cette impertinence-la, des que j'aurai averti monsieur
Orgon de ce que tu es, je te chasse, entends-tu?
ARLEQUIN.
Accommodons-nous.[189] Cette demoiselle m'adore, elle m'idolatre... Si je
lui dis mon etat de valet, et que nonobstant son tendre coeur soit
toujours friand[190] de la noce avec moi, ne laisserez-vous pas jouer les
violons?
DORANTE.
Des qu'on te connoitra, je ne m'en embarrasse plus.
ARLEQUIN.
Bon! et je vais de ce pas prevenir cette genereuse personne sur mon habit
de caractere.[191] J'espere que ce ne sera pas un galon de couleur[192]
qui nous brouillera ensemble, et que son amour me fera passer a la table,
en depit du sort, qui ne m'a mis qu'au buffet.[193]
SCENE II.
DORANTE, _seul, et ensuite_ MARIO.
DORANTE.
Tout ce qui se passe ici, tout ce qui m'y est arrive a moi-meme, est
incroyable... Je voudrais pourtant bien voir Lisette, et savoir le
succes[194] de ce qu'elle m'a promis de faire aupres de sa maitresse pour
me tirer d'embarras. Allons voir si je pourrai la trouver seule.
MARIO.
Arretez, Bourguignon! j'ai un mot a vous dire.
DORANTE.
Qu'y a-t-il pour votre service, Monsieur?
MARIO.
Vous en contez a[195] Lisette?
DORANTE.
Elle est si aimable qu'on auroit de la peine a ne lui pas parler d'amour.
MARIO.
Comment recoit-elle ce que vous lui dites?
DORANTE.
Monsieur, elle en badine.
MARIO.
Tu as de l'esprit. Ne fais-tu pas l'hypocrite?
DORANTE.
Non; mais qu'est-ce que
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