l est bon que
vous vous aimiez un peu avant que de[117] vous marier.
ARLEQUIN.
Je ferois bien ces deux besognes-la a la fois, moi.
M. ORGON.
Point d'impatience. Adieu.
SCENE III.
LISETTE, ARLEQUIN.
ARLEQUIN.
Madame, il dit que je ne m'impatiente pas; il en parle bien a son aise, le
bonhomme!
LISETTE.
J'ai de la peine a croire qu'il vous en coute tant d'attendre, Monsieur;
c'est par galanterie que vous faites l'impatient: a peine etes-vous
arrive. Votre amour ne sauroit etre bien fort: ce n'est tout au plus qu'un
amour naissant.
ARLEQUIN.
Vous vous trompez, prodige de nos jours: un amour de votre facon[118] ne
reste pas longtemps au berceau; votre premier coup d'oeil a fait naitre le
mien, le second lui a donne des forces, et le troisieme l'a rendu grand
garcon. Tachons de l'etablir au plus vite; ayez soin de lui, puisque vous
etes sa mere.
LISETTE.
Trouvez-vous qu'on le maltraite? est-il si abandonne?
ARLEQUIN.
En attendant qu'il soit pourvu, donnez-lui seulement votre belle main
blanche pour l'amuser un peu.
LISETTE.
Tenez donc, petit importun, puisqu'on ne sauroit avoir la paix qu'en vous
amusant.
ARLEQUIN, _lui baisant la main_.
Cher joujou de mon ame! cela me rejouit comme du vin delicieux. Quel
dommage de n'en avoir que roquille![119]
LISETTE.
Allons, arretez-vous; vous etes trop avide.
ARLEQUIN.
Je ne demande qu'a me soutenir, en attendant que je vive.
LISETTE.
Ne faut-il pas avoir de la raison?
ARLEQUIN.
De la raison! Helas! je l'ai perdue; vos beaux yeux sont les filous qui me
l'ont volee.
LISETTE.
Mais est-il possible que vous m'aimiez tant? Je ne saurois me le
persuader.
ARLEQUIN.
Je ne me soucie pas de ce qui est possible, moi, mais je vous aime comme
un perdu,[120] et vous verrez bien dans votre miroir que cela est juste.
LISETTE.
Mon miroir ne servirait qu'a me rendre plus incredule.
ARLEQUIN.
Ah! mignonne, adorable! votre humilite ne seroit donc qu'une hypocrite!
LISETTE.
Quelqu'un vient a nous: c'est votre valet.
SCENE IV.
DORANTE, ARLEQUIN, LISETTE.
DORANTE.
Monsieur, pourrois-je vous entretenir un moment?
ARLEQUIN.
Non: maudite soit la valetaille[121] qui ne sauroit nous laisser en repos!
LISETTE.
Voyez ce qu'il vous veut, Monsieur.
DORANTE.
Je n'ai qu'un mot a vous dire.
ARLEQUIN.
Madame, s'il en dit deux, son conge sera[122] le troisieme. Voyons!
DORANTE, _bas a Arlequ
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