y serez pris.
M. ORGON.
Ne t'en embarrasse pas, Lisette; va ton chemin.
LISETTE.
Je vous le repete encore, le coeur de Dorante va bien vite. Tenez,
actuellement je lui plais beaucoup, ce soir il m'aimera, il m'adorera
demain. Je ne le merite pas, il est de mauvais gout,[108] vous en direz ce
qu'il vous plaira; mais cela ne laissera pas que d'etre.[109] Voyez-vous,
demain je me garantis adoree.
M. ORGON.
Eh bien! que vous importe? S'il vous aime tant, qu'il vous epouse.
LISETTE.
Quoi! vous ne l'en empecheriez pas?
M. ORGON.
Non, d'homme d'honneur,[110] si tu le menes jusque la.
LISETTE.
Monsieur, prenez-y garde. Jusqu'ici je n'ai pas aide a mes appats, je les
ai laisse faire tout seuls, j'ai menage sa tete:[111] si je m'en mele, je
la renverse, il n'y aura plus de remede.
M. ORGON.
Renverse, ravage, brule, enfin epouse, je te le permets, si tu le peux.
LISETTE.
Sur ce pied-la, je compte ma fortune faite.
M. ORGON.
Mais, dis-moi, ma fille t'a-t-elle parle? Que pense-t-elle de son
pretendu?
LISETTE.
Nous n'avons encore guere trouve le moment[112] de nous parler, car ce
pretendu m'obsede; mais, a vue de pays,[113] je ne la crois pas contente;
je la trouve triste, reveuse, et je m'attends bien qu'elle me priera de le
rebuter.
M. ORGON.
Et moi, je te le defends. J'evite de m'expliquer avec elle; j'ai mes
raisons pour faire durer ce deguisement: je veux qu'elle examine son futur
plus a loisir. Mais le valet, comment se gouberne-t-il? ne se mele-t-il
pas d'aimer ma fille?
LISETTE.
C'est un original: j'ai remarque qu'il fait l'homme de consequence avec
elle, parce qu'il est bien fait;[114] il la regarde, et soupire.
M. ORGON.
Et cela la fache.
LISETTE.
Mais... elle rougit.
M. ORGON.
Bon, tu te trompes: les regards d'un valet ne l'embarrassent pas jusque
la.[115]
LISETTE.
Monsieur, elle rougit.
M. ORGON.
C'est donc d'indignation.
LISETTE.
A la bonne heure.[116]
M. ORGON.
Eh bien! quand tu lui parleras, dis-lui que tu soupconnes ce valet de la
prevenir contre son maitre; et, si elle se fache, ne t'en inquiete point:
ce sont mes affaires. Mais voici Dorante, qui te cherche apparemment.
SCENE II.
LISETTE, ARLEQUIN, M. ORGON.
ARLEQUIN.
Ah! je vous trouve, merveilleuse dame! je vous demandois a tout le monde.
Serviteur, cher beau-pere, ou peu s'en faut.
M. ORGON.
Serviteur. Adieu, mes enfants: je vous laisse ensemble; i
|