avez, moi.
SILVIA.
Voyez-vous le mauvais esprit! comme elle tourne les choses! Je me sens
dans une indignation... qui... va jusqu'aux larmes.
LISETTE,
En quoi donc,[142] Madame? Quelle finesse entendez-vous a ce que je dis?
SILVIA.
Moi, j'y entends finesse! moi, je vous querelle pour lui! j'ai bonne
opinion de lui! Vous me manquez de respect jusque la! Bonne opinion, juste
Ciel! bonne opinion! Que faut-il que je reponde a cela? Qu'est-ce que cela
veut dire? A qui parlez-vous? Qui est-ce qui est a l'abri de ce qui
m'arrive? Ou en sommes-nous?
LISETTE.
Je n'en sais rien; mais je ne reviendrai de longtemps de la surprise ou
vous me jetez.
SILVIA.
Elle a des facons de parler qui me mettent hors de moi. Retirez-vous, vous
m'etes insupportable; laissez-moi, je prendrai d'autres mesures.
SCENE VIII.
SILVIA.
Je frissonne encore de ce que je lui ai entendu dire. Avec quelle
impudence les domestiques ne nous traitent-ils pas dans leur esprit! Comme
ces gens-la vous degradent! Je ne saurois m'en remettre; je n'oserois
songer aux termes dont elle s'est servie: ils me font toujours[143] peur.
Il s'agit d'un valet! Ah! l'etrange chose! Ecartons l'idee dont cette
insolente est venue me noircir l'imagination.[144] Voici Bourguignon,
voila cet objet[145] en question pour lequel je m'emporte; mais ce n'est
pas sa faute, le pauvre garcon! et je ne dois pas m'en prendre a lui.
SCENE IX.
DORANTE. SILVIA.
DORANTE.
Lisette, quelque eloignement que tu aies pour moi, je suis force de te
parler; je crois que j'ai a me plaindre de toi.
SILVIA.
Bourguignon, ne nous tutoyons plus, je t'en prie.
DORANTE.
Comme tu voudras.
SILVIA.
Tu n'en fais pourtant rien.
DORANTE.
Ni toi non plus; tu me dis: "Je t'en prie."
SILVIA.
C'est que cela m'est echappe.
DORANTE.
Eh bien! crois-moi, parlons comme nous pourrons: ce n'est pas la peine de
nous gener pour le peu de temps que nous avons a nous voir.
SILVIA.
Est-ce que ton maitre s'en va? Il n'y auroit pas grande perte.
DORANTE.
Ni a moi[146] non plus, n'est-il pas vrai? J'acheve ta pensee.
SILVIA.
Je l'acheverois bien moi-meme, si j'en avois envie; mais je ne songe pas a
toi.
DORANTE.
Et moi, je ne te perds point de vue.
SILVIA.
Tiens, Bourguignon, une bonne fois pour toutes, demeure, va-t-en, reviens,
tout cela doit m'etre indifferent, et me l'est en effet: je ne te veux ni
bien ni mal; je ne te hais, ni ne t'
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