a mon valet, la belle?[90]
SILVIA.
Rien: je lui dis seulement que je vais faire descendre[91] monsieur Orgon.
ARLEQUIN.
Et pourquoi ne pas dire mon beau-pere, comme moi?
SILVIA.
C'est qu'il ne l'est pas encore.
DORANTE.
Elle a raison, Monsieur: le mariage n'est pas fait.
ARLEQUIN.
Eh bien! me voila pour le faire.
DORANTE.
Attendez donc qu'il soit fait.
ARLEQUIN.
Pardi! voila bien des facons pour un beau-pere de la veille ou du
lendemain![92]
SILVIA.
En effet, quelle si grande difference y a-t-il entre etre mariee ou ne
l'etre pas? Oui, Monsieur, nous avons tort, et je cours informer votre
beau-pere de votre arrivee.
ARLEQUIN.
Et ma femme aussi, je vous prie. Mais, avant que de[93] partir, dites-moi
une chose: vous qui etes si jolie, n'etes-vous pas la soubrette de
l'hotel?[94]
SILVIA.
Vous l'avez dit.
ARLEQUIN.
C'est fort bien fait; je m'en rejouis. Croyez-vous que je plaise ici?
Comment me trouvez-vous?
SILVIA.
Je vous trouve ... plaisant[95].
ARLEQUIN.
Bon, tant mieux; entretenez-vous dans ce sentiment-la, il pourra trouver
sa place.
SILVIA.
Vous etes bien modeste de vous en contenter. Mais je vous quitte; il faut
qu'on ait oublie d'avertir votre beau-pere, car assurement il seroit venu;
et j'y vais.
ARLEQUIN.
Dites-lui que je l'attends avec affection.
SILVIA, _a part_.
Que le sort est bizarre! Aucun de ces deux hommes n'est a sa place.
SCENE IX.
DORANTE, ARLEQUIN.
ARLEQUIN.
Eh bien! Monsieur, mon commencement va bien: je plais deja a la soubrette.
DORANTE.
Butor que tu es!
ARLEQUIN.
Pourquoi donc? Mon entree est si gentille!
DORANTE.
Tu m'avois tant promis de laisser la tes facons de parler sottes et
triviales! Je t'avois donne de si bonnes instructions! Je ne t'avois
recommande que d'etre serieux. Va, je vois bien que je suis un etourdi de
m'en etre fie a toi.[96]
ARLEQUIN.
Je ferai encore mieux dans les suites,[97] et, puisque le serieux n'est
pas suffisant, je donnerai du melancolique;[98] je pleurerai, s'il le
faut.
DORANTE.
Je ne sais plus ou j'en suis; cette aventure-ci m'etourdit. Que faut-il
que je fasse?
ARLEQUIN.
Est-ce que la fille n'est pas plaisante?[99]
DORANTE.
Tais-toi; voici monsieur Orgon qui vient.
SCENE X.
M. ORGON, DORANTE, ARLEQUIN.
M. ORGON.
Mon cher Monsieur, je vous demande mille pardons de vous avoir fait
attendre; mais ce n'est que de cet instant[
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