s sot, et je ne plains pas la soubrette qui l'aura.[72]
II va m'en conter:[73] laissons-le dire, pourvu qu'il m'instruise.
DORANTE, _a part_.
Cette fille-ci m'etonne! Il n'y a point de femme au monde a qui sa
physionomie ne fit honneur: lions connoissance avec elle.... (_Haut_.)
Puisque nous sommes dans le style amical,[74] et que nous avons abjure les
facons, dis-moi, Lisette, ta maitresse te vaut-elle? Elle est bien hardie
d'oser avoir une femme de chambre comme toi!
SILVIA.
Bourguignon, cette question-la m'annonce que, suivant la coutume, tu
arrives avec l'intention de me dire des douceurs: n'est-il pas vrai?
DORANTE.
Ma foi, je n'etois pas venu dans ce dessein-la, je te l'avoue; tout valet
que je suis, je n'ai jamais eu de grande liaison avec les soubrettes: je
n'aime pas l'esprit domestique; mais, a ton egard, c'est une autre
affaire. Comment donc! tu me soumets; je suis presque timide; ma
familiarite n'oseroit s'apprivoiser avec toi; j'ai toujours envie d'oter
mon chapeau[75] de dessus ma tete, et, quand je te tutoie, il me semble
que je joue:[76] enfin j'ai un penchant a te traiter avec des respects qui
te feroient rire. Quelle espece de suivante es-tu donc, avec ton air de
princesse?
SILVIA.
Tiens, tout ce que tu dis avoir senti en me voyant est precisement
l'histoire de tous les valets qui m'ont vue.
DORANTE.
Ma foi, je ne serois pas surpris quand ce seroit aussi l'histoire de tous
les maitres.
SILVIA.
Le trait est joli, assurement; mais, je te le repete encore, je ne suis
pas faite aux cajoleries de ceux dont la garde-robe ressemble a la tienne.
DORANTE.
C'est-a-dire que ma parure ne te plait pas?
SILVIA.
Non, Bourguignon; laissons-la l'amour, et soyons bons amis.
DORANTE.
Rien que cela? Ton petit traite n'est compose que de deux clauses
impossibles.
SILVIA, _a part_.
Quel homme pour un valet! (_Haut_.) Il faut pourtant qu'il s'execute; on
m'a predit que je n'epouserai jamais qu'un homme de condition, et j'ai
jure depuis de n'en ecouter jamais d'autres.
DORANTE.
Parbleu! cela est plaisant![77] Ce que tu as jure pour homme, je l'ai jure
pour femme, moi: j'ai fait serment de n'aimer serieusement qu'une fille de
condition.
SILVIA.
Ne t'ecarte donc pas de ton projet.
DORANTE.
Je ne m'en ecarte peut-etre pas tant que nous le croyons: tu as l'air bien
distingue, et l'on est quelquefois fille de condition sans le savoir.
SILVIA.
Ah! ha! ha! Je te r
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